Justice est faite
Le 18 février 2013
Le procès fictif de Goldman Sachs, Merrill lynch et autres Lehman Brothers, par un spécialiste du documentaire politique. Percutant !
- Réalisateur : Jean-Stéphane Bron
- Genre : Documentaire, Politique, Film de procès
- Nationalité : Suisse
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h38mn
- Titre original : Cleveland vs. Wall Street
- Date de sortie : 18 août 2010
- Festival : Festival de Cannes 2010
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L’argument : Le 11 janvier 2008, Josh Cohen et ses associés, avocats de la ville de Cleveland, assignent en justice les 21 banques qu’ils jugent responsables des saisies immobilières qui dévastent leur ville. Mais les banques de Wall Street qu’ils attaquent s’opposent par tous les moyens à l’ouverture d’une procédure.
Cleveland contre Wall Street raconte l’histoire d’un procès qui aurait dû avoir lieu. Un procès de cinéma, dont l’histoire, les protagonistes et leurs témoignages sont bien réels...
- Copyright Christopher First
Notre avis : Tout comme Bamako filmait le procès imaginaire du Fonds monétaire international, de l’Organisation mondiale du commerce et de la Banque Mondiale, ce docu-fiction se propose d’intenter celui des dirigeants des grandes banques internationales ayant commis, en toute légalité, le « hold-up financier » du siècle : la généralisation des subprimes, crédits immobiliers à taux d’intérêt élevés variables proposés à des ménages surendettés et insolvables, puis leur titrisation incertaine sur des marchés financiers avaient contribué à la crise financière la plus importante depuis 1929, le sauvetage du système bancaire par les pouvoirs publics ayant occulté la situation dramatique de milliers d’Américains ruinés et contraints à la saisie de leur logement. Avec pédagogie et sans schématisme à outrance, cette œuvre franco-suisse parvient à s’inscrire dans la lignée du « film de procès » hollywoodien qui, de Douze hommes en colère (fiction) à Un coupable idéal (documentaire), a élevé au plus haut rang les valeurs de démocratie et de justice sociale. En même temps, le cinéaste et nous-mêmes ne sommes pas dupes du dispositif : si un carton précise dans le générique qu’aucun dialogue n’a été écrit, et que tous les protagonistes ont improvisé leur discours et leur pensée, nous ne doutons pas que l’influence de la présence de la caméra et du metteur en scène aient pu avoir un impact sur la teneur des débats et l’élaboration des échanges pendant le procès et en dehors du tribunal. Des travellings sur les rues dévastées de Cleveland font écho à ceux montrant la dégradation de la ville de Flint dans Roger et moi : mais s’il est vrai que la comparaison avec la méthode Michael Moore s’impose, jamais Jean-Stéphane Bron ne cède à l’ironie facile ou aux excès manifestes de Capitalism : a Love Story ; il montre à merveille comment certains seconds couteaux, courtiers rémunérés à la commission par Goldman Sachs, Lehman Brothers ou Merrill Lynch ont pu être à leur tour les victimes de l’opération « subprimes », les véritables responsables, voire coupables, se drapant derrière l’honorabilité et l’argumentaire des risques inhérents à une économie de marché... À l’heure où certains tentent d’étouffer toute réflexion citoyenne et prônent sans réserve les bienfaits de la loi de l’offre et de la demande, ce pamphlet ne peut être que salutaire. S’il lui manque un véritable rythme pour être une réussite totale, il n’en demeure pas moins indispensable au cinéphile et au citoyen.
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