Mon frère se marie - la critique

Doux-amer sentimental autour d’une réunion de famille.

L’argument : Vinh va se marier. Mais le plus beau jour de sa vie a toutes les chances d’être assombri par sa famille suisse d’adoption : divorcés, le père et la mère ne se voient plus depuis dix ans et entretiennent des relations tendues avec leurs enfants. L’arrivée de la famille biologique de Vinh va pourtant inverser la vapeur...

Notre avis : Comble de l’autodérision, la Suisse rit d’elle et fait ainsi mentir sur grand écran sa réputation de pisse-froid de l’Europe. Mon frère se marie malmène le quant-à-soi helvétique dans un récit à l’amertume joliment distillée. Comme chez feu Altman, un mariage sert le déboulonnage en règle de la famille et les concessions qu’ont faites avec la vie les personnages de Jean-Stéphane Bron. Personne ne peut se voir en peinture : ni la mère Claire (Aurore Clément) et le père Michel (Jean-Luc Bideau), divorcés depuis belle lurette ; encore moins les enfants Catherine (Delphine Chuillot) et Jacques (Cyril Troley) en froid avec ces deux là. Seul Vinh (Quoc Dung Nguyen), le fils adopté, cimente encore un peu la cellule familiale éclatée. Sa réception de mariage a donc tout d’une catastrophe humaine annoncée, d’autant que la mère biologique et l’oncle vietnamien sont invités.
Mon frère se marie rapproche les frontières de la Suisse et du Vietnam dans une intrigue où le comique n’est qu’un avant-goût du drame. Immigration, solitude émotionnelle et absence de don, l’instantané de cette famille suisse serait triste à pleurer si l’ensemble ne crépitait de réparties drolatiques et de gags. Un mot plus haut que l’autre et voilà Catherine qui déguerpit pour aller piquer une tête dans la piscine du jardin. Ou un dîner sur une table bancale qui se transforme en Groucho Marx show. Bron fait ainsi ricocher le pathétique sur l’humour, déleste le constat social de sa dose attendue de pathos pour livrer une comédie douce-amère. Le film ne serait que plaisant s’il ne s’émaillait d’échappées bouleversantes : les deux mères se découvrant, les regards du père à Catherine lors d’un discours à double fond ou les plans de cette famille hébétée dans un Cervin crépusculaire parachèvent en beauté ce portrait de l’âme humaine. Sous la comédie, les larmes.