Le 22 avril 2024
Si Orso ne nous avait vraiment pas convaincus, Citadel s’invite sur les écrans comme un thriller labyrinthique, empreint d’une esthétique impressionnante, avec, au cœur du récit, une comédienne de grande tenue.


- Réalisateur : Bruno Mercier
- Acteurs : Mark Austin , Maud Imbert, Izzy, Sébastien Fouillade
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Mûres sauvages
- Durée : 1h22mn
- Date de sortie : 24 avril 2024

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Résumé : Dans la citadelle de Besançon, Annah s’inquiète de ne pas voir sa fille revenir du zoo. Elle l’appelle et tombe sur un homme qui lui apprend qu’il vient de la kidnapper. Obligée d’obéir à ce prédateur sadique, elle va devoir exécuter des actes de plus en plus violents si elle veut revoir sa fille vivante. Annah va-t-elle réussir à s’extirper de ce cauchemar et sauver sa fille ?
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Critique : Cela pourrait être des vacances comme les autres, dans la citadelle de Besançon, avec ces drôles de boîtiers de couleurs où les gens s’assoient, ces habitants étranges qui plantent des panneaux interdisant les téléphones mobiles, et ce distributeur de friandises, qui annonce le malheur des couples. Annah se promène avec sa fille, Lou, aussi grâcieuse que malicieuse, visiblement ravie de ce séjour dans l’immense citadelle. Les couleurs se figent sur les êtres, les objets qui parcourent le site, là où tout le reste se cristallise dans un noir et blanc très évocateur. Puis soudain, le drame survient, imprévisible, avec cette voix sombre, sortie du téléphone, qui annonce avoir enlevé sa fille et pousse la jeune femme à des épreuves à travers la cité médiévale afin de faire échapper la mort à Lou.
Cet odieux type qui a enlevé Lou semble à proximité immédiate de la mère. Il connaît chacun de ses gestes, de ses regards, de ses chants, comme s’il était finalement le réalisateur qui tient la caméra. Il la suit dans une course folle où des singes dangereux grimpent les falaises, des passants pressés arpentent les allées. Les prises de vue provoquent un certain vertige, avec ces longs escaliers de pierres anciennes, et ses retours discrets à la couleur au milieu du noir et blanc. Derrière la tension liée au jeu cruel qui se noue entre Annah et le ravisseur, s’opère une certaine poésie fantastique qui convoque des personnages insolites. La balade à travers l’espace clos de la forteresse de Besançon rajoute au sentiment de vertige du récit, quand il ne s’agit pas de théâtraliser le drame intérieur qui se révèle dans l’esprit torturé d’Annah.
- Copyright Les Mûres Sauvages
On peut regretter dans le film une certaine répétition dans le déroulement de l’intrigue narrative. Néanmoins, Bruno Mercier habille son récit d’une série d’apparitions assez fulgurantes, faisant penser au cinéma d’épouvante des années 1970 et 80. Une fois de plus, le réalisateur accorde une attention très importante à l’image. Chaque plan est travaillé, avec un jeu sur la couleur et le noir et blanc assez remarquable. On aurait presque adoré un seul plan-séquence si les moyens avaient suivi, afin de renforcer la dimension vertigineuse du récit. Le film est plutôt inspiré, les références à un certain cinéma d’horreur étant nombreuses. De même, tout le long-métrage semble très emprunt de la culture du jeu vidéo, multipliant les apparitions et les espaces scéniques au sein même de la citadelle.
Citadel est peut-être le moins orgueilleux des films de Bruno Mercier. Maud Imbert contribue à la qualité du film grâce à une interprétation très physique. Elle s’insère dans le monde des animaux qui peuplent le film, et à son tour, devient une sorte de prédatrice dangereuse. Toute la question est de savoir du début à la fin du film si cette citadelle où elle court désespérément pour secourir sa fille n’est pas le reflet de son propre cerveau malade, étouffé par les hallucinations sonores et visuelles. On pense même au cinéma de Kubrick et notamment Shining où l’écrivain mettait en scène sa propre folie à travers l’espace anxiogène de l’hôtel où il était consigné.
- Copyright Les Mûres Sauvages
Citadel est une œuvre baroque, assez composite, qui mêle les genres et les perspectives. Le souffre de part et d’autre d’entorses à la vraisemblance, mais le film s’en sort plutôt bien, grâce à l’implication des acteurs, l’inventivité du scénario et le soin apporté aux images. Tant pis si, finalement, on n’aura pas tout compris des ambitions du réalisateur et des ficelles du récit.