Nocturne en do mineur
Le 16 décembre 2009
Tonalité douce et mélancolique pour cette comédie dramatique presque en huis-clos, qui nous dévoile un Mikhalkov étonnamment sensible et émouvant.


- Réalisateur : Nikita Mikhalkov
- Acteurs : Larissa Kouznetsova, Stanislav Lioubchine, Valentina Telitchkina
- Genre : Comédie dramatique, Romance
- Nationalité : Russe

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– Durée : 1h40mn
– Titre original : Pyat vecherov
Tonalité douce et mélancolique pour cette comédie dramatique presque en huis-clos, qui nous dévoile un Mikhalkov étonnamment sensible et émouvant.
L’argument : Un homme et une femme se retrouvent, après vingt ans de silence. Pour cinq soirées qui vont peut-être changer leur vie.
Notre avis : Ce sont des intérieurs, sans confort ni chaleur, à la fois datés et sans âge, remplis de choses utilitaires, assombris par le noir et blanc de l’image. Cinq soirées s’enferme dans une mélancolie rêveuse dont l’horizon est constamment borné par quatre murs. Et pourtant, le film est encadré, au début et dans la séquence finale, par des échappées subites, des bouffées d’air qui nous font basculer dans un temps passé - image instable, vues citadines comme aux premiers temps du cinématographe - et dans un présent soudain - couleur et retour à la vie -. Mikhalkov livre ici l’un de ses films les plus intimes et les plus sensibles ; si l’étrange drôlerie dont il est coutumier plane sur l’ensemble, il installe un climat d’humilité et de sobriété où les seuls mouvements violents sont ceux que subissent les âmes. En ce sens, nous ne sommes pas très loin de l’univers de Tchekhov, chez lequel nous ne voyons jamais les hommes et les femmes se rencontrer, mais toujours se retrouver. Le plaisir narratif du film tient autant à l’appétit de ce que l’on ne sait pas sur l’histoire commune des personnages - qu’ont-ils vécu ensemble ? pourquoi se sont-ils quittés ? - qu’à la manière dont ils s’épient désormais l’un l’autre dans un jeu d’amour et de hasard.
Mélodrame moins effusif que les précédents films du cinéaste, Cinq soirées est aussi une mise en scène du temps et de son passage. La photographie sublime les traits de ces femmes dont toutes les générations sont représentées, de la pimprenelle fraîche et joueuse à la « baba » russe au caractère grincheux, en s’arrêtant plus particulièrement sur une héroïne entre deux âges, personnage ambigu et profond qui n’est pas sans figurer la tension en Union Soviétique entre ardeur et frustrations. Ainsi, le film peut se lire à plusieurs niveaux différents, que l’on choisisse d’en rester au mélodrame ou de voir dans ces appartements désolés et ces hommes nostalgiques de la guerre une prise de conscience des limites de l’utopie, quand la vie ressemble à tout sauf à un rêve. Au fur et à mesure que le film avance, chaque soirée est un apprentissage pathétique, où les joies sont fugaces et condamnées à se conjuguer au conditionnel. Dans tous les cas subsiste une tonalité élégiaque, qui se traduit notamment par un dialogue très fin entre image et musique, celle-ci devenant réellement, du classique à la variété rétro des années 1950, le miroir des affects et des passions. Un drame de tous les jours, sans effets ni excès : c’est ce qui rend Cinq soirées étonnamment humain.