Le 16 mars 2020
- Réalisateur : Koji Yamamura
- Acteur : Clotilde Hesme
- Genre : Court métrage
- Plus d'informations : Page Facebook Ciné Poème
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Du 3 au 7 mars se tenait la 9ème édition du festival Ciné Poème, organisé chaque année au Théâtre Paul Eluard de Bezons (95). AVoir-ALire revient pour vous sur cet événement artistique qui fait la part belle à l’évasion et au mélange des genres.
Qu’est-ce que Ciné Poème ?
Plantons d’abord le décor. Sur une carte tout ce qu’il y a de plus banale, disons 1,5 cm pour 10 km, on part de Paris, place de l’Etoile. Il faut ensuite embarquer dans le RER A jusqu’à La Défense, où nous attend le T2 direction Porte de Versailles qui, en une quinzaine de minutes dessert l’arrêt « Pont de Bezons ». C’est trop long ? Pas de panique : il vous suffit de décaler votre doigt de très exactement 1,9 cm sur la gauche (latitude 48.862725, longitude 2.287592 pour être précis), et vous êtes arrivés ! Là, à deux pas de la Défense, sur l’extrémité ouest du Val d’Oise, se trouve la scène conventionnée du Théâtre Paul Eluard. Déjà un indice pour la suite…
- Théâtre Paul-Eluard - Bezons
Ciné Poème, c’est d’abord une idée née en 2011 à l’initiative de Jackie Chérin (ancien élu à l’action culturelle de la ville de Bezons) : celle de réunir souffle poétique et expérience cinématographique, papier buvard et grand écran, Arthur Rimbaud et John Rambo. « Car le court-métrage, par sa brièveté, son art de l’ellipse et de la suggestion, a de profondes affinités avec le poème », peut-on lire sur la brochure de présentation. Le festival a déjà récompensé des visages bien connus du milieu, comme la poétesse Sylvie Durbec ou la réalisatrice sud-coréenne Dahee Jehong (récompensée en 2014 du Cristal du meilleur court-métrage, au festival d’Annecy pour Man on the Chair, également primé à Ciné Poèmes), mais cherche surtout à faire découvrir de nouveaux artistes du court-métrage.
Forêt, deuil et éclats de rire
21 films ont donc été sélectionnés sur un éventail de 200 productions autour de plusieurs critères. Le court-métrage doit être une production française réalisée depuis 2017 et durer moins de 15 minutes. Les nommés sont répartis en 3 programmes, dont l’un a été projeté spécialement aux écoles bezonnaises. On est frappés par la forte diversité des thèmes et des techniques : à une évocation réaliste et sensible de la maladie d’Alzheimer, succède une sorte de flipbook sans paroles qui dessine la nage d’une femme dans l’océan ; à un documentaire photo dans les coulisses du festival de Cannes avec l’actrice Clotilde Hesme, un voyage en Estonie à la rencontre d’un adolescent en quête de liberté. Voilà peut-être le point commun entre toutes ces histoires, celui de montrer des individus inadaptés qui voudraient s’échapper d’un monde étroit pour partir, loin, vers des univers fantastiques. Certains courts-métrages évoquent des sujets très durs tel Shutdown, sur la difficulté de laisser partir un être perdu ; d’autres sont complètement absurdes à l’image de One Slimy Story, lequel montre des bonhommes roses en vacances qui soudain commencent à fondre au soleil. Mention spéciale à Nature (Isis Letexier), inspiré d’un poème de Jean Tardieu, qui met en scène, dans un 2min 45 en stop-motion, un univers micro-bucolique où arbres, plantes et petits animaux font la loi au grand dam des humains.
© Isis Leterrier / Tant Mieux Prod
Différentes grilles de lecture
Le court-métrage est un genre particulier en cela qu’il doit convaincre le spectateur dans un temps assez réduit, avec un schéma narratif plus ou moins défini et un propos souvent équivoque, ce qui le rapproche une nouvelle fois du genre poétique. Qu’est-ce que la poésie sinon l’évocation de ce qui n’est pas dicible, de l’infini, qui s’exprime autant pour ce qu’elle est que par les réactions qu’elle suscite ? Lors de l’échange avec les réalisateurs, on a senti certains spectateurs touchés par ce qu’ils venaient de voir, curieux de comprendre comment les émotions étaient transmises à l’écran.
Dans cette optique, la recherche de sens ne doit pas un critère suffisant, le public pouvant s’imaginer l’histoire qu’il souhaite. « Les enfants avaient chacun leur propre interprétation de la fin », sourit Cindy Lartigue, l’une des réalisatrices de Shutdown, à propos de sa rencontre avec les scolaires. La musique joue aussi un rôle déterminant en interagissant parfois directement avec l’image comme dans Les Fleurs de Damas, dans lequel la slameuse franco-marocaine Yasmina Touzani prête sa voix à un réfugié syrien. Enfin, l’image reste le principal moyen pour faire passer des messages parfois très militants : pour Benjamin Busnel, dont le film Les derniers feux évoque l’éco-anxiété, « les réalisateurs [de court-métrage] peuvent prendre le relais des militants, des scientifiques et des politiques en donnant à voir de nouveaux imaginaires ».
De gauche à droite : Gabriel Guirola ("Les Fleurs de Damas"), Chloé Gomez, Cindy Lartigue ("Shutdown"), Isis Leterrier ("Nature"), Hugo Bravo ("De l’autre côté"), Armelle Lecoeur ("La Tartine") ©Vincent Marcelin
Et le vainqueur est…
Une quarantaine de personnes étaient présentes le soir pour la cérémonie de clôture de cette édition 2020. Dominique Lesparre, maire de Bezons, a rappelé l’importance de Ciné Poème pour le rayonnement culturel de la ville et salué l’ « expérience poétique » permise chaque année par le festival. Vient ensuite le temps des récompenses : tandis que le Coup de cœur scolaire, attribué par plusieurs classes de primaires, a plébiscité Nature, Shutdown et La Tartine, le prix des lycéens revient à Cadavre exquis. Ce court-métrage burlesque produit par François Leroy nous plonge dans la peau d’un chien borgne dans les ruelles du vieux Hanoï (Vietnam), à travers un voyage visuel, olfactif et sonore entre tradition et fantastique.
Les écoliers ont remis des prix aux auteurs de leurs court-métrages favoris. © Ciné Poème
Pour le prix du public – Jackie Chérin, les spectateurs avaient été invités à élire leur court-métrage préféré à l’issue de chaque programme. Et, sur un panel d’environ 300 votants, c’est Ecailles de rose qui a remporté la palme. Ecailles de rose, ou l’histoire d’une sirène condamnée à rester sur terre. La réalisatrice Kloé Lang a insisté sur le fait que son film ne parlait pas du handicap, mais bien de ces personnes inadaptées, pas à leur place, qui rêveraient d’être autre part. Saluons la mise en scène très immersive et ces images magnifiques aux bords du lac Léman, qu’on aime revoir plusieurs fois.
© Mood Films Production, IDIP Films
Il ne restait plus qu’à désigner le prix du jury, récompense phare de Ciné Poème. Cette année, le jury était composé de Frank Beauvais, réalisateur de courts-métrages, Jérôme d’Estais, journaliste de cinéma (La Septième Obsession, Critikat), du réalisateur Thomas Révay, fondateur de la revue Ciné Bazar, de la poétesse Anne Dujin et du chanteur et compositeur Nosfell. A l’unanimité de ses membres, il a décidé de primer le film Water Dream, de Koji Yamamura, pour son « évocation sensible et onirique des origines du vivant ». Le réalisateur nippon, dont le court-métrage Le Mont Chef fut sélectionné aux Oscars 2003, reçoit ainsi une dotation de 4 000 €.
L’occasion de rappeler les difficultés de vivre du court-métrage aujourd’hui : que ce soit en autoproduction ou avec le soutien d’une maison, la réalisation d’un film de cinq minutes est souvent un parcours du combattant de plusieurs années, à l’heure de la rationalité commerciale, « le court-métrage n’intéresse plus les producteurs », nous souffle l’une des réalisatrices. Voilà pourquoi certains créateurs doivent cumuler plusieurs emplois ou compter sur des plateformes de financement participatif comme Ulule ou Helloasso. C’est moins poétique, certes, mais c’est comme ça.
D’où la nécessité de ce genre d’événements (qui mériterait encore plus de spectateurs…), pour mettre en lumière un genre très riche au potentiel dramatique infini. Ce samedi 7 mars, la soirée s’achève avec la projection du perturbant Ne croyez pas que je hurle (nommé à la Berlinale 2019) de Frank Beauvais, film réalisé en found footage sur les errances solitaires d’un cinéphile dépressif, qui redonne paradoxalement le sourire. Alors, pour vibrer, pleurer et sourire encore avec Ciné Poème, on vous attend nombreux l’année prochaine !
Page Facebook Ciné Poème : https://www.facebook.com/CinePoemeBezons/
Pour postuler à Ciné Poème 2021 : http://www.filmfestplatform.com/
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