Le 7 avril 2025
L’adolescence, les amitiés qui se font et se défont au bord des vacances d’été, sont un ravissement à travers la caméra de Guillaume Brac. Assurément un film en état de grâce.


- Réalisateur : Guillaume Brac
- Genre : Documentaire, Teen movie
- Nationalité : Français
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h41mn
- Date de sortie : 2 avril 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024

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Résumé : Ce n’est qu’un au revoir (1h03mn) :
Les amitiés de lycée peuvent-elles durer toute la vie ? Une chose est sûre, dans peu de temps Aurore, Nours, Jeanne, Diane et les autres diront adieu à leur chambre d’internat, aux baignades dans la Drôme, aux fêtes dans la montagne. Louison coupera ses dreads et la petite famille éclatera. Pour certaines d’entre elles, ce n’est pas la première fois et cela fait encore plus mal…
Suivi de Un pincement au cœur (38 mn) :
Le cœur pince à Hénin-Beaumont en ce début d’été. Linda, quinze ans, va déménager ; et Irina, sa meilleure amie, a bien du mal à l’accepter.
Critique : Deux mondes aux antagonismes : un lycée de la Drôme, à Die exactement, et quelques centaines de kilomètres plus haut, un autre à Hénin-Beaumont. Entre les deux, Guillaume Brac filme l’adolescence, avec en arrière-pensée, une dédicace en forme d’hommage à ses propres enfants. En réalité, le réalisateur filme l’enfance dans son creuset le plus universel. Qu’on soit dans la Drôme ou le Pas-de-Calais, les adolescences se ressemblent, avec leurs émotions débordantes, leurs rires denses et leur mélancolie secrète. Les filles sont particulièrement visées par la caméra du cinéaste, et l’on pense naturellement au film sublime de Sébastien Lifshitz, Adolescentes, qui suivait le parcours de vie de deux grandes copines, issues de milieux sociaux très différents.
Guillaume Brac est un cinéaste rare. Présenter son documentaire dans la section cannoise de l’Acid est un véritable honneur. En effet, cette œuvre refuse l’éclaboussement de la lumière, le tapage des festivals ; au contraire, Ce n’est qu’un au revoir adopte la quiétude de la province rurale et urbaine, où elle donne à voir la simplicité et l’authenticité de jeunes gens qui s’aiment et savent en secret que dans quelques semaines, l’université ou les aléas de la vie les amèneront à se quitter et à rencontrer d’autres personnes. Pour une fois, le documentaire met en scène de jeunes lycéens qui, avec leurs professeurs, partagent le goût des apprentissages. Il n’y a pas de crise, pas de conflit majeur avec les adultes, pas de fracture culturelle, simplement des adolescents qui transforment l’ordinaire de leurs existences en de petits joyaux de poésie. Encore moins de violence ou de détresses sociales dans une banlieue déglinguée.
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En même temps, ces jeunes sont loin d’avoir une vie facile. Il y a cette jeune fille dont le père a disparu et qui est élevée par une mère sans emploi, au milieu de ses six frères et sœurs. On trouve cette autre gamine dont la grande sœur vient de disparaître subitement, ou encore une autre qui déplore des parents apparemment moins concernés par l’éducation de leur fille que de leurs propres émois psychologiques. Mais Guillaume Brac prend soin de ne filmer que le meilleur de ces jeunes. Pas de misérabilisme, ni de sociologie de comptoir : juste des gosses qui traversent leur vie, comme chacun d’entre nous l’avons fait, avec le sentiment que le meilleur sera demain. Il les regarde se baigner dans une rivière, tuer l’ennui sur un banc d’un centre commercial, ou jouer avec les vagues de la mer.
Il est réjouissant de constater que le CNC continue de financer des expériences comme celle-là et que des distributeurs comme Condor prennent le risque de les diffuser. C’est ce qui fait la richesse du cinéma français, ouvert à toutes les aventures grâce à un modèle économique unique au monde en matière de financement de la création cinématographique, récemment mis à mal par les décisions gouvernementales. Car Ce n’est qu’un au revoir parle de la vie, la vraie vie, celle qui se niche dans l’invisibilité des régions éloignées de la capitale, celle qui permet au réel de se transfigurer en un merveilleux exercice de poésie. Guillaume Brac est amoureux des personnes qu’il filme. Le générique assume qu’ils ont été mis en scène par lui-même avec, on le pressent, une grande liberté donnée aux jeunes pour témoigner de leur histoire.
Le cinéma documentaire ne se pose jamais en rivalité avec la fiction. Bien sûr, l’écriture du scénario est guidée par les gens qui se laissent filmer. Mais dans tous les cas, voilà un très joli film qui raconte la vie, telle qu’elle est et telle que nous voudrions qu’elle le soit pour nos propres adolescents. Guillaume Brac filme la joie, le rire, la délicatesse, dans une langue optimiste et joyeuse. Voilà donc réunis les éléments d’un cinéma conçu pour rêver et croire en l’existence.