Les gens sont prévisibles
Le 18 décembre 2020
Et voilà, ça ne fait désormais plus aucun doute : les pontes de Disney n’aiment pas le personnage de Han Solo ! Comment expliquer autrement qu’ils aient réussi à le tuer deux fois en trois ans ?
- Réalisateur : Ron Howard
- Acteurs : Woody Harrelson, Alden Ehrenreich, Emilia Clarke, Donald Glover
- Genre : Science-fiction, Aventures
- Nationalité : Américain
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Durée : 2h15mn
- Date télé : 22 avril 2021 23:40
- Chaîne : TMC
- Date de sortie : 23 mai 2018
- Voir le dossier : La saga "Star Wars"
- Festival : Festival de Cannes 2018
Résumé : Embarquez à bord du Faucon Millenium et partez à l’aventure en compagnie du plus célèbre vaurien de la galaxie. Au cours de périlleuses aventures dans les bas-fonds d’un monde criminel, Han Solo va faire la connaissance de son imposant futur copilote Chewbacca et croiser la route du charmant escroc Lando Calrissian… Ce voyage initiatique révèlera la personnalité d’un des héros les plus marquants de la saga Star Wars.
Critique : Entre la saga Star Wars et Cannes, c’est une vieille histoire. Déjà, en 1999, puis en 2005, les épisodes I et III y avaient eu l’honneur d’une avant-première mondiale. Le rachat de la franchise par Disney semble ne pas avoir mis fin à cette relation, puisque, treize ans plus tard, c’est au tour du spin-off sur le personnage d’Han Solo d’y faire une prestigieuse montée des marches. Mais l’influence de Disney a changé les choses. George Lucas n’étant plus aux commandes, c’est désormais les pontes de la boîte aux grandes oreilles qui décident de la direction de la fresque stellaire. Afin d’assurer un retour sur investissement, ils font se succéder les épisodes, alternant nouvelle(s) trilogie(s) et spin-off consacrés à des événements antérieurs. C’est donc le second de cette catégorie, deux ans après Rogue One, qui nous arrive aujourd’hui.
Les premières informations sur la conception de ce film consacré à la jeunesse de l’un des personnages plus populaires de la franchise –pour ne pas dire du cinéma– nous promettait que ce lourd défi serait pris en charge par Phil Lord et Christopher Miller, deux geeks à qui on peut faire confiance pour avoir mis au point des comédies décalées (Tempêtes de boulettes géantes, 21 Jump Street et The Lego Batman Movie, c’était eux). Mais les choses ont commencé à se gâter dès que l’on a appris que le duo avait été remplacé par Ron Howard (pour rappel, son dernier passage à Cannes, avec Da Vinci Code avait fini sous les huées !) et que le rôle central était assuré par Alden Ehrenreich, l’un des acteurs les plus interchangeables de sa génération.
Opération de massacre assumée par le studio. Le très fade Ron Howard aurait retourné 70% du métrage original. C’est donc sans surprise que toutes nos craintes se matérialisent à l’écran. Erreur de casting, le jeune acteur qui intègre le personnage de Han Solo est à des années-lumière du charisme et de l’attitude cool et détachée qu’Harrison Ford avait su insuffler à son personnage mythique. Et le voir aux côtés d’Emilia Clarke, vedette de télévision dont le jeu limité n’imprègne jamais l’écran de cinéma, est pénible. Leur relation amoureuse est à peine perceptible derrière leur jeu monocorde.
Han Solo aurait dû être un puits d’inspiration pour les auteurs. Son destin de héros maudit, qui allait aimer, puis se séparer de sa princesse de femme, avant d’être tué par le fils qu’ils ont eu ensemble, en fait une figure romanesque puissante. Mais au lieu d’explorer cette voie et de poser les bases d’une légende cosmique (et peut-être justifier l’improbable nom qu’ils donneront à leur fils parricide), Ron Howard, ou plutôt les producteurs qui tirent les cordes, se contentent d’une banale histoire de petit voyou qui rejoint une bande de voleurs intergalactiques avec pour seul enjeu d’aller libérer une fille dont tout le monde se fiche. Et alors que le film avance, il passe par toutes les étapes les plus convenus du blockbuster impersonnel. Aucune idée un tant soit peu originale n’est ajoutée à ce produit formaté. Un exemple parmi tant d’autres : la rencontre avec Chewbacca est un copier-coller d’une scène vue dans un récent Marvel, juste bonne à faire applaudir les spectateurs qui n’en finissent plus d’être contents de voir les personnages se croiser de film en film.
On en arrive à espérer ne plus revoir ce Han Solo ! Celui que nous aimions tant quand il affichait son bagout et sa désinvolture face à Luke Skywalker, en est réduit à une tête à claques.
Noyés dans une aventure dont le moindre rebondissement est soit prévisible soit risible, les quelques clins d’œil à la trilogie initiale permettent à peine aux fans de rattacher les wagons. Parmi ceux-ci, le personnage de Lando Calrissian, interprété par l’excellent Donald Glover, est assurément le seul personnage véritablement attachant du lot, allant jusqu’à littéralement voler la vedette à Ehrenreich. Assurément, il aurait mieux fallu un spin-off sur son personnage, plutôt que de bazarder une genèse contre-productive sur celui qui fut notre baroudeur de l’espace préféré.
Il ne fait en fait aucun doute qu’un film aussi peu inspiré, s’il n’avait pas profité du logo « Star Wars » en ouverture, et des effets spéciaux dernier cri issu de la société ILM, aurait eu du mal à se trouver une place en salle. Le destin a voulu que ce récit mille fois développé se retrouve accolé du nom iconique d’une idole à laquelle, il ne fallait peut-être pas toucher.
Ceux qui ne connaissent pas Star Wars, s’il en reste, pourront toujours y trouver un blockbuster divertissant à défaut d’être novateur, mais tous ceux qui sont un tant soit peu attachés au mythe installé par George Lucas ne pourront que sortir de là lessivés par tant de vacuité. La tentative de l’Episode 8 de proposer quelque chose de neuf sans pour autant être en rupture avec l’héritage des épisodes tutélaires, et la simili-noirceur de Rogue One, avaient de quoi nous faire espérer que Disney laisserait un peu de liberté aux auteurs. Le travail de Ron Howard, yes man devant l’éternel, nous renvoie à cette dure réalité : Solo : a Star Wars Story n’est qu’un pur produit de série, un numéro industriel sans aucune âme, une mécanique faite pour plaire aux plus jeunes sans se soucier des anciens qui auraient dû avoir leur mot à dire.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
birulune 5 juin 2018
Cannes 2018 : Solo, a Star Wars Story - la critique du film
Waouh. Assassine la critique ! Le film casse pas des briques mais c’est quand même mieux que les épisodes 1,2 et 3. Enfin je crois
On ne s’attend plus au film de l’année. La magie est passée. Des moments agréables mais jamais de grandeur ni de grand sentiments à part la scène d’ouverture. Harrelson remplit le cahier des charges. Quant à Solo il est effectivement interchangeable. Une idée juste comme ça : pourquoi n’ont-ils pas utilisé la même technique que Tron Legacy pour rajeunir Ford parce que là ça aurait été un must.
Julien Dugois 5 juin 2018
Cannes 2018 : Solo, a Star Wars Story - la critique du film
Je ne peux pas laisser passer l’idée que ce film soit supérieur aux épisodes de la prélogie. Même si ils ont leurs défauts (entre Jar Jar Binks et des incrustations sur fond verts qui ont mal vieillis), ils sont porteurs de toute une réflexion politique et religieuse fascinante. Imaginer que les jedis comme une simple institution politique qui a, à ce point perdu la foi en la Force que son recrutement se fait par une prise de sang, pose des questions profondes sur la légitimité de sa défaite face à un "coté obscur" qui, à l’inverse, repose sur une croyance mystique très forte. Ça remet en cause tout l’imaginaire manichéen que l’on a longtemps reproché à Lucas pour ses trois films initiaux. C’est exactement ce genre d’idée intelligente que ce Solo insipide n’a pas.