The Hangover
Le 4 décembre 2022
Plus jeune que jamais, Woody Allen nous ressert toutes ses obsessions, cette fois pour le plus grand plaisir. Stupéfiant comme la mort n’a peut-être jamais semblé à la fois aussi proche et lointaine dans son cinéma.


- Réalisateur : Woody Allen
- Acteurs : Jesse Eisenberg, Steve Carell, Kristen Stewart, Blake Lively, Ken Stott, Jeannie Berlin, Corey Stoll
- Genre : Comédie dramatique, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Mars Distribution
- Durée : 1h36mn
- Date télé : 4 décembre 2022 21:00
- Chaîne : OCS City
- Date de sortie : 11 mai 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016

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Résumé : New York, dans les années 30. Coincé entre des parents conflictuels, un frère gangster et la bijouterie familiale, Bobby Dorfman a le sentiment d’étouffer. Il décide donc de tenter sa chance à Hollywood où son oncle Phil, puissant agent de stars, accepte de l’engager comme coursier. À Hollywood, Bobby ne tarde pas à tomber amoureux. Malheureusement, la belle n’est pas libre et il doit se contenter de son amitié. Jusqu’au jour où elle débarque chez lui pour lui annoncer que son petit ami vient de rompre. Soudain, l’horizon s’éclaire pour Bobby et l’amour semble à portée de main…
- Copyright Gravier Productions, Inc. - Sabrina Lantos
Critique : Pas sûr que les vicissitudes du tout Hollywood soient vraiment ce qui intéresse Woody Allen dans Café Society. Du moins sa critique acidulée de ce temple du cinéma - plus taquine et nostalgique que cinglante - apparaît-elle un peu trop en retrait pour cela. Non, l’essentiel réside peut-être en un simple désir de mettre en scène avec emphase les soubresauts amoureux. D’affirmer que le cinéma n’est rien d’autre qu’une histoire d’amour tempétueuse, zébrée d’une lumière tantôt apaisante tantôt écrasante. Quoi de mieux à cet effet pour Woody que de s’en remettre à ses amours de toujours : le jazz New Orleans et les années 30, décennie sacrée pour le réalisateur ? Croisement entre Radio Days et Zelig, Café Society brasse tous les ingrédients qui font le sel d’une bonne cuvée allenienne, mais à l’ancienne. Sans doute est-ce là encore une fois la limite de cette nouvelle itération, minimaliste dans son intrigue et baroque dans sa facture. Mais ne reprochons pas pour autant à l’auteur d’Annie Hall son manque de renouveau, lui qui comme son mentor Anton Tchekhov et quelques-uns des plus brillants cinéastes, reproduisent inlassablement la même geste jusqu’à l’épuisement. Car Café Society, sous ses atours ordinaires et quasi tautologiques, n’en est pas moins une délicate anaphore. Comme si le réalisateur, qui soufflait récemment ses quatre-vingt bougies, retrouvait tout à coup jeunesse et entrain.
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Ceux qui lui reprochaient dernièrement son cynisme de bon aloi et ses radotages, se remémorant avec mélancolie ses plus belles années, devraient en avoir pour leur argent, car Café Society fait tout, absolument tout, comme avant. Outre les années 30, Woody reprend nombre de ses fétiches : le juif new-yorkais, la belle et tendre californienne, la délicieuse atmosphère d’un passé révolu, le tout évidemment saupoudré de quiproquos vaudevillesques et d’angoisses ontologiques. Toutes ces similitudes et répétitions pourraient finir par lasser mais il n’en est rien : quelque part entre Ernst Lubitsch et Billy Wilder, rien que ça, Woody Allen laisse glisser ses personnages, tiraillés entre ivresse et peine, avec une maîtrise saisissante. Tous conscients au fond qu’aucun d’entre eux ne laissera de trace dans ce beau monde clinquant, ils s’en remettent à leurs rêves. "Dreams are dreams" se répète Bobby - magnifique Jesse Eisenberg - comme pour mieux s’en convaincre. Étrange comme la mort n’a peut-être jamais semblé à la fois aussi proche et lointaine dans un film de Woody Allen.
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À noter que le directeur de la photographie d’Apocalypse Now, VIttorio Storaro, est pour beaucoup dans la réussite de Café Society. Chaque plan est une merveille, d’une richesse époustouflante en matière de lumière, profondeur et contraste. Les cahots de l’amour sont donnés à voir quelque part avec la même affectation grandiloquente que les scènes de bataille de la palme d’or 1979 de Francis Coppola. La même poésie surnaturelle se dégage de chaque scène, comme si les protagonistes étaient baignés dans un monde fantasmagorique. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, Café Society ne saurait être réduit à un simple prolongement de l’œuvre de Woody Allen, mais bien à une forme de renaissance, aussi classique et normalisée soit-elle. Il y avait longtemps qu’un film d’ouverture du Festival de Cannes n’avait pas atteint un tel niveau. Mention spéciale enfin pour Kristen Stewart, sexy en diable et dont la présence quasi thaumaturgique risque de faire couler beaucoup d’encre.
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