Aux ames citoyens
Le 7 décembre 2015
Un film d’animation belge aussi ambitieux que brouillon avec la première guerre mondiale comme toile de fond.
- Réalisateur : Jan Bultheel
- Acteurs : Benoît Magimel, Jean-Hugues Anglade , Julie Gayet
- Genre : Drame, Animation, Historique
- Nationalité : Français, Belge, Néerlandais
- Durée : 1h26 mn
- Date de sortie : 9 décembre 2015
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Un film d’animation belge aussi ambitieux que brouillon avec pour toile de fond la première guerre mondiale
L’argument :
1914, Buenos Aires. Jean Mordant triomphe au championnat du Monde de lutte.
Au même moment, de l’autre coté de l’Atlantique, dans une rue sombre d’Ostende en proie à l’occupation, sa fille, Mimi, se fait abuser par une patrouille de soldats allemands. De retour chez lui, Jean fait le serment de venger cette ignominie et s’engage avec son entraineur et son neveu dans la grande guerre, au sein du mythique bataillon belge ACM. À leur grand dam, les voila embarqués pour 4 années dans une odyssée surréaliste autour du monde. Au bout du compte, malgré l’horreur de la guerre, les déchirures et les peines, Jean finira par retrouver une raison de vivre.
Inspirée d’une histoire vraie, cette épopée incroyable nous plonge dans l’absurdité de la guerre, de l’Europe à la Russie, de l’Asie à l’Amérique.
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Notre avis :
Cafard est un premier film d’animation se déroulant durant la première guerre mondiale. Sur l’affiche s’étale une critique, promettant un long-métrage dans la veine de Valse avec Bachir. Sorti en 2008, le film d’Ari Folman affolait les compteurs et faisait l’effet d’une claque visuelle et romanesque. Sept ans plus tard sort Cafard. Même ambition morale de proposer un film d’animation pour adultes avec un propos aride, mettant en scène un soldat. La comparaison s’arrête ici. En effet, là où son illustre ainé redessinait les contours d’une histoire douloureuse, convoquant fantasmes, rêves et musique pop, Cafard se contente de son cadre, certes impressionnant, mais à la lumière duquel pas grand chose n’est réinventé. Peut-être parce qu’il n’a pas la puissance autobiographique du film de Folman. Proposons d’autres pistes.
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Le réalisateur-monteur-scénariste-producteur(!) Jan Bultheel a fait avec cafard le pari ambitieux d’un graphisme épuré. Il faut jeter un œil aux extraits pour s’en rendre compte : ce parti pris extrêmement prononcé est à double tranchant, il fera aux spectateurs un effet certain, qu’il soit positif ou négatif. Ce design très particulier est le résultat d’une combinaison de trois techniques, dont la motion capture (utilisée par exemple par Robert Zemeckis pour Le pôle express). Il s’agit de filmer de véritables acteurs sur lesquels ont été posés des capteurs qui enregistrent leurs mouvements et expressions faciales. La motion capture est supposée donner une sensation de réalité et une certaine crédibilité à l’animation en question. Ici Butheel l’a combinée avec la texture low-poly. Comme son nom l’indique, cette technique passe par un rendu d’image plus rapide du au moins grand nombre de polygônes à calculer. Peut-être est-ce là que le bât blesse.
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Si les paysages, aux couleurs criardes, tapent dans l’oeil pour le meilleur grâce à leur aspect minimaliste, les visages des personnages, eux, ne sortent pas gagnant de ce rendu. Leurs nez apparaissent dans un plan sur deux, si bien qu’on se surprend à les chercher au lieu de se concentrer sur le propos du film. Leurs faces sont constellées de traits, ce qui aurait pu figurer des barbes mal taillées par exemple mais qui donne plutôt une impression de dessin non achevé assez désagréable. L’histoire est une évocation de la guerre 14-18, donc de la grande histoire, certes, mais aussi la quête personnelle du héros Jean Mordant, quasiment de tous les plans.
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Le réalisateur dit n’avoir pas voulu storyboarder Cafard, à contrario de la large majorité des films d’animation. Il en résulte une sensation de spontanéité parfois agréable mais qui donne sur un terme plus long un effet bâclé à l’animation. Butheel ne s’en cache pas : il s’est inspiré de divers auteurs de bande dessinée, y compris José Munoz. Cafard connaitra logiquement les honneurs d’une sortie BD, où la force de son graphisme s’épanouira sans doute mieux. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder les images fixes du long métrage et les comparer au coté brouillon de la bande annonce.
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Au vu de l’épopée que Cafard se propose de raconter, on peut saluer l’ambition de son réalisateur. Ce qu’on peut déplorer, peut-être, c’est qu’elle se soit manifestée uniquement au travers d’un graphisme malaisant et maladroit et pas tellement dans son scénario. Cafard, et c’est une première au cinéma, parle du bataillon belge ACM (Autos-Canons-Mitrailleuse) et de l’odyssée contrainte de ses soldats, engagés volontaires. Un voyage hallucinant, de la Belgique à la Russie en passant par la Chine et les Etats-Unis. Un voyage pendant lequel le scénario semble s’être un peu égaré, se concentrant presque uniquement sur la volonté de Jean Mordant de venger sa fille. Cet aspect binaire du personnage n’est pas reconvoqué par les rôles secondaires, tous mus par une unique obsession. Certes, le voyage fait traverser de nombreux pays à notre héros mais lui évolue bien peu, au regard de ce qu’il traverse. Ses émotions ne sont guère variées. On reste un peu sur notre faim concernant le romanesque du film, qui n’est guère exploité malgré la beauté des paysages.
Malheureusement, ce coté brinquebalant n’est pas rééquilibré par l’interprétation. Gageons que nos amis flamands seront plus conquis par le film, eux qui ont eu les honneurs d’une interprétation totale, les acteurs motion-capturés se chargeant également du jeu. La version française elle, est doublée et le héros, Jean Mordant, prend la voix d’un Benoît Magimel en roue libre. Jean-Hugues Anglade s’en sort mieux.
Pour finir, même si Cafard n’est pas à la hauteur de ses ambitions, il faut saluer la prise de risque d’un jeune auteur/producteur avec un sujet méconnu et peu vendeur en période de fêtes.
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