Le 19 mai 2004


Romans à clés et mystères littéraires : Luis Fernando Verissimo ouvre de réjouissants horizons à la littérature brésilienne.
Romans à clés et mystères littéraires, Luis Fernando Verissimo renouvelle le genre avec intelligence et malice, ouvrant de réjouissants horizons à la littérature brésilienne.
Luis Fernando Verissimo cultive un certain charme anglais dans des fables à tiroirs, ironiques et érudites. Il y a quelques années, il nous arrivait avec un premier texte traduit en français, Et mourir de plaisir, un roman grave et malicieux qui se jouait déjà des codes du roman policier. Il récidive dans Borges et les orangs-outangs éternels, en appuyant le clin d’œil : le récit sera à clés.
L’histoire, comme toujours, est d’une importance toute relative : des rivalités universitaires enflammées par un congrès à Buenos Aires, où chacun tente d’imposer sa lecture de l’œuvre d’Edgar Allan Poe. Et c’est précisément là que le ton est donné. Le meurtre - puisque meurtre il y a - sera une énigme littéraire, un mystère de la chambre close, à la manière d’un Double assassinat dans la rue Morgue rendu célèbre grâce à certains orangs-outangs. L’enquêteur, au-dessus de la mêlée, est un Borges ex machina, mêlant à plaisir indices et fausses pistes, saupoudrant le tout d’un soupçon de nostalgie d’une âme argentine à jamais perdue. La réalité se modèle pour l’esthétique, le mensonge devient œuvre d’art, la vérité est dans les livres. Les personnages eux-mêmes bouleversent les lois naturelles, de la logique ou de la statistique, oublient le passé ou se réincarnent, sans jamais céder aux certitudes. Car si la vérité est bien dans les livres, chaque livre a la sienne, faisant des bibliothèques autant de chambres closes où les mystères ne demandent qu’à se rejouer.
Luis Fernando Verissimo, Borges et les orangs-outangs éternels, (Borges e os orangoutangous eternos, traduit du portugais (Brésil) par Geneviève Leibrich), Seuil, 2004, 123 pages, 14 €