Michèle Lesbre est une magicienne. Livre après livre - Boléro est son septième roman - cette auteure discrète nous prend par la main pour nous emmener au pays de ses personnages inoubliables, simples et proches. Emma cette fois, femme en inadéquation. Sa vie est faite de silence, sa tête est en désordre. Emma dont l’énergie semble s’être évaporée et qui soudain trouve dans sa boîte une lettre venant de là-bas dans la Loire, un ailleurs de l’au-delà du temps. Alors qu’elle se prépare sans y croire pour un entretien d’embauche, surgissent les étés passés chez Gisèle, sorte de fée marraine, femme authentique, accompagnatrice bienveillante de cet âge "flou et inconfortable" qu’est l’adolescence.

Un jour, une lettre. Le prisme des souvenirs. Le cinéma du village, les chevaux de Jacques, les pâtisseries de Gisèle, l’amour-amitié avec Fred et Paul, le mur de Berlin, la guerre d’Algérie, les gants de Rita Hayworth, le sourire triste de Gary Cooper, la rosée du petit matin et le rythme têtu du Boléro de Ravel pour marteler ce passé biffé. Prologue à la vie à la fois destructeur et bâtisseur de sa personnalité. Blessures et bonheurs à accepter en bloc et dont l’osmose fragile avec le présent permet à Emma de défriper ses ailes. De retrouver le goût du rire, de l’imprévu et de la colère pour aborder, remise à neuf, une étape inattendue de son voyage personnel.

Le bruissement délicat et sincère, le phrasé soyeux et la nostalgie voilée de reconnaissance de Boléro dégagent la même saveur que les élégants livres de l’éditrice Sabine Wespieser, imprimés en brun foncé sur papier ivoire. Douceur de la crème et amertume du chocolat...