Le 3 mars 2024
Brouillon et surtout trop maniéré, le nouveau film d’Abderrahmane Sissako laisse le spectateur sur sa faim.
- Réalisateur : Abderrahmane Sissako
- Acteurs : Nina Melo, Wu Ke-xi, Isabelle Kabano, Han Chang, Michael Chang
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Français, Taïwanais, Luxembourgeois
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Durée : 1h49mn
- Date de sortie : 28 février 2024
- Festival : Festival de Berlin 2024
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Résumé : Aya, une jeune femme ivoirienne d’une trentaine d’années, dit non le jour de son mariage, à la stupeur générale. Émigrée en Chine, elle travaille dans une boutique d’export de thé avec Cai, un Chinois de quarante-cinq ans. Aya et Cai tombent amoureux mais leur histoire survivra-t-elle aux tumultes de leurs passés et aux préjugés ?
Critique : On attendait depuis longtemps le retour d’Abderrahmane Sissako après le succès mérité en 2014 de Timbuktu. Le cinéaste choisit le décor feutré d’un commerce de thé en Chine, en face d’un magasin de valises, où se noue la relation amoureuse entre une jeune femme immigrée et un bel homme séparé de sa femme. Le quotidien sensuel des deux protagonistes se mêle à un passé lourd avec, en ligne de fond, le beau pays du Cap-Vert connu pour ses paysages merveilleux et ses chanteurs mélancoliques. Black Tea a perdu de la verve politique et engagée du réalisateur. Le récit privilégie une jolie histoire d’amour, certes contrariée par le racisme qui hante la Chine, où les générations s’enlisent dans des conflits de représentation du monde.
- Copyright MAX ROLAND KOYA -CINÉFRANCE STUDIOS ARCHIPEL 35 DUNE VISION
Alors pourquoi Black Tea ne fonctionne-t-il pas ? D’abord, au détriment d’un récit politique, Abderrahmane Sissako privilégie une mise en scène très aérienne où la sensualité du thé rencontre la beauté ténébreuse de la jeune Aya et de ce père romantique et profond. Les enjeux interculturels, les fractures sociales, la tentation de conquête de la Chine sur le continent africain sont pourtant présents, mais balayés par un esthétisme suranné et un brouillage permanent des temporalités. En vérité, on ne comprend pas grand-chose à ce grand capharnaüm de sensations, de romantisme, de déchirements et de poésie. L’absence de rythme, les décors très étouffants et les ruptures narratives finissent par égarer totalement le spectateur. Alors, oui, la musique est très belle, les chanteurs capverdiens rappellent le grand film musical Bamako de Sissako, mais l’ensemble se dilue dans des successions de scènes aussi futiles que dispersées.
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Le long-métrage est trop beau, trop maniéré, avec de faux airs d’In the Mood for Love. La patte africaine d’Abderrahmane Sissako s’efface au bénéfice d’une fiction assez mielleuse, et d’une longueur indigeste. Les comédiens ne déméritent absolument pas, à commencer la belle Nina Melo qui parle un mandarin irréprochable. Elle promène sa grande sensualité dans les rues chinoises, arguant comme un étendard son goût certain pour la liberté et les valeurs de fidélité. On l’observe manier les thés avec une délicatesse inouïe, mais qui hélas ne suffit pas à rendre le propos attachant. En réalité, on s’ennuie beaucoup, et on cherche vainement le courage politique de Sissako qui n’a pas hésité à dénoncer le diktat religieux ou la domination des femmes dans les sociétés maliennes.
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On aurait tellement voulu aimer Black Tea. Mais voilà, on est passé à côté d’un film moins puissant qu’à l’affut permanent de mimiques esthétiques et de bons mots. Dommage car l’impérialisme rampant de la Chine à travers le monde, et particulièrement l’Afrique, constitue un sujet majeur pour les années à venir.
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