Le 15 février 2018
Marvel nous livre l’adaptation cinématographique de Black Panther, un de ses personnages de comics les plus politiques.
- Réalisateur : Ryan Coogler
- Acteurs : Martin Freeman, Danai Gurira, Chadwick Boseman, Lupita Nyong’o
- Genre : Film de super-héros
- Nationalité : Américain
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Durée : 2h15mn
- Date de sortie : 14 février 2018
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Critique : Dernière étape de la phase 3 du MCU (Marvel Cinematic Universe) avant le très attendu Infinity war, Black Panther arrive sur nos écrans le 14 février. Introduit dans Captain America : Civil War l’année dernière, le personnage a le droit à son origin story comme il se doit. Le film est très attendu pour diverses raisons ; tout d’abord, c’est un des super-héros de comics les plus appréciés par les fans de la Maison des idées. Ensuite, il revêt un attrait symbolique puisqu’il est le premier film Marvel (et peut-être même le premier blockbuster tout court) composé à 90% d’acteurs afro-américains. Le contexte américain actuel avec le retour d’extrémistes white suppremacists et la montée de mouvements contestataires comme Black Lives Matter apporte une dimension politique inattendue au film.
Il est utile de rappeler que la création du personnage par Stan Lee (et Jack Kirby au dessin) en 1966 eut elle aussi une portée politique très forte et influença la même année le Black Panther Party. Peu de temps après, le personnage fût d’ailleurs renommé temporairement Black Leopard pour se distancer du mouvement. Il reste encore aujourd’hui un symbole de l’essor du Black Power et une génération entière d’afro-américains s’est identifiée à cette figure africaine forte. Il deviendra avec le temps un personnage de premier plan de la galaxie Marvel et intégrera plus tard les Avengers dont il restera pendant longtemps le seul personnage non américain (si l’on exclut bien sûr les extraterrestres et autres divinités).
Le passage à l’écran de son histoire se concentre logiquement sur la légende du Wakanda, pays africain imaginaire. Contrairement à beaucoup de super-héros, la genèse de Black Panther est intimement liée à un historique qui dépasse largement sa personne. A l’instar de Thor, l’essor de la figure héroïque ne dépend pas ici de l’acquisition de ses capacités surhumaines mais découle d’une mythologie à part entière. Le film prend donc le temps de poser les bases de l’univers totalement distinct du Wakanda. Le pays tire son avancée technologique du vibranium dont ses sols sont chargés. Matériau extraterrestre (qui compose le bouclier de Captain America) aux capacités entre autre d’absorption des chocs, il permet au pays de devenir la civilisation la plus avancée du monde et ce dans le plus grand secret. C’est d’ailleurs là tout l’enjeu du scénario du film qui reprend une des premières thématiques historiques du comics : le pays a-t-il le droit de garder autant de richesses pour lui-même sans aider le reste du monde ? L’opposition de T’Challa, le roi du Wakanda avec son ennemi du jour, Killmonger à ce sujet donne au film une évidente portée politique. Il est assez jouissif de voir les rôles s’inverser, un pays d’Afrique se posant la question de l’aide à apporter au peuple américain. Tout en respectant scrupuleusement l’ADN du comics, le réalisateur de Fruitvale Station, également au scénario ici, construit volontairement son film en apposant devant sa caméra un miroir déformant de l’Amérique.
Malheureusement, l’adaptation fidèle et l’ajout d’une portée politique bienvenue ne suffit pas à insuffler le souffle épique nécessaire à la réussite d’un tel film. Le personnage de Killmonger, joué par le génial Michael B. Jordan, est certes moins caricatural et porté par des motivations politiques plus complexes qu’à l’accoutumée mais sa mutation dans le second acte en dictateur va-t-en-guerre en est d’autant plus grossière. Le récit reprend de manière assez classique l’histoire du comics et l’on retrouve assez fidèlement l’arc initié par Don McGregor en 73 et celui des années 2000 de Christopher Priest dépeignant la prise de pouvoir du Wakanda par Killmonger. Les scènes de duels sur la cascade sont transposées quasiment case par case mais on perçoit malheureusement les fonds verts. Le propos du film est ambitieux mais se perd dans les considérations tièdes sur l’exercice du pouvoir et le courage d’un souverain. Les dialogues politico-familiaux de T’Challa sont extrêmement pauvres et le charisme du sympathique Chadwick Boseman est un peu juste pour donner vraiment corps à l’icône féline. Film de super-héros oblige, des scènes d’action passables jalonnent le récit et redonnent du rythme à une intrigue assez molle. Le débordement d’effets spéciaux peu inspirés et un découpage pas toujours lisible sont par ailleurs vraiment préjudiciables à l’univers graphique du film.
Les personnages secondaires sont heureusement assez bien portés à l’écran. Tous les personnages-clés du comics sont présents à l’exception prévisible de Tornade, la femme de T’Challa. La célèbre mutante ne pouvait pas à ce stade faire partie du récit puisque les droits des personnages X-men appartiennent à la Fox. Ce n’est peut-être que partie remise, Disney ayant racheté la dite compagnie. Killmonger et Ulysse Klaw (présent dans le MCU depuis Avengers 2) sont sur papier les deux méchants les plus anciens de la panthère. Le premier apparut en 1973 tandis que le second est intimement lié à la genèse du héros puisqu’il est né en même temps que lui dans une aventure des Quatre Fantastiques en 1966. Andy Serkis prend d’ailleurs un plaisir évident à interpréter celui qui est dans le comics un scientifique hollandais, devenu dans le MCU un marchand d’armes sud-africain. Les Dora Milaje, la garde rapprochée de Black Panther composée de guerrières, sont fidèlement transposées à l’écran et Danai Gurira (Michone dans la série Walking dead pour les fidèles) offre une prestation crédible dans son rôle de protectrice. On préférera en revanche oublier les performances de Forest Whitaker, tout en cabotinage, Martin Freeman dont le personnage est totalement inutile, ou encore de Letitia Wright en Shuri, devenue pour l’occasion un ersatz de Q, vouée à présenter les gadgets dernière génération.
C’est dommage car tout n’est pas à jeter. Loin de là. A commencer par la direction artistique. Le travail sur les décors, les costumes et la rencontre entre les univers traditionnels africains, magiques et technologiques sont réussis. On apprécie toujours autant l’allure féline de la panthère (quand les CGI ne gâchent pas tout). La musique, et l’ambiance sonore très réussie, donnent une homogénéité et une certaine authenticité à l’ensemble.
Les défenseurs comme les détracteurs du film se rejoindront sur le fait que le film est à part dans le MCU. Fidèle au matériau original, il pose les bases d’un univers distinct au ton beaucoup plus sérieux. L’humour, pourtant marque de fabrique de Marvel, en est quasiment absent. La présence d’un sous-texte politique est assez surprenante et inaugure une nouvelle ère pour Disney qui n’hésite pas désormais à laisser les clés de certaines franchises à des auteurs assez éloignés du système hollywoodien. On aime l’idée... A suivre !
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