Des nuls à l’a(BIS)
Le 26 novembre 2020
Le nouveau Dominique Farrugia ne casse pas des barres, malgré son duo d’acteurs visiblement très complices. Enchaînement de vannes plus ou moins bidons sur un scénario plat comme les montagnes d’Auvergne et dépourvu de toute originalité. Un bel exemple des ravages générés par la désormais récurrente "peoplarisation" de la comédie française.
- Réalisateur : Dominique Farrugia
- Acteurs : Gérard Darmon, Alexandra Lamy, Franck Dubosc, Julien Boisselier, Kad Merad, Anthony Sonigo, Antonin Chalon, Fabian Wolfrom, Anne Girouard
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Distributeur : EuropaCorp Distribution
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 15 mars 2024 21:00
- Chaîne : OCS Max
- Date de sortie : 18 février 2015
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Éric et Patrice sont amis depuis le lycée. Au fil des années, chacun a pris un chemin très différent : d’un côté Éric, hédoniste sans attaches aux multiples conquêtes, et de l’autre Patrice, père de famille « monogame » à la vie bien rangée. Après une soirée bien arrosée, les deux amis d’enfance se retrouvent propulsés en 1986 alors qu’ils n’ont que 17 ans. Ce retour dans le passé est l’occasion rêvée pour tenter de changer le cours de leur vie. Que vont-ils faire de cette seconde chance ?
- Copyright EuropaCorp Distribution
Critique : Qu’on se le dise. Des Ch’tis, BIS n’en a ni la saveur ni l’ambition. Un simple raisonnement mathématiques suffit d’ailleurs à le démontrer :
Soit x une situation initiale engluée dans tous les poncifs du genre, et (x-30) une situation de retour trente ans en arrière respectant les mêmes conditions. En prenant en compte le facteur BIS et x = 0
Alors : x*(x-30) = 0*(x-30) = 0
Donc : le film ne décollera jamais du plancher des vaches.
Après ce raisonnement chiffré quelque peu rocambolesque, il est cependant clair que Dominique Farrugia s’est englué dans un type de cinéma qui respecte des normes qu’il semble lui-même avoir étiquetées, avec des acteurs plébiscités par un public de moins en moins exigeant. Loin de nous l’idée de douter du talent d’humoriste de l’ami Franck ou de Kad (puisque tout le monde les appelle par leur prénom). Mais n’est-il pas gênant d’entendre de la bouche de milliers d’ados et d’adultes : « Je vais voir le nouveau Kad ou le nouveau Dubosc », comme si la seule évocation de leur nom suffisait à rendre le film poilant ? Ce phénomène ne fait que renforcer un manque d’originalité scénaristique érigé en vertu pour minimiser les risques. Les schémas, les structures, se voient de plus en plus simplifiés afin de satisfaire au plus grand nombre, transformant le public en masse bovine prête à être gavée d’images clichés qui nourrissent des représentations attendues de tous. Ainsi, lorsque l’on voit les fesses de Dubosc après qu’il se soit réveillé entièrement nu en 1986, c’est la scène du slip kangourou de Camping qui se rejoue sous nos yeux. Si ce recours à l’autoparodie, qui culmine lorsque les deux compères pastichent la plus célèbre scène des Ch’tis, n’est pas déplaisant et donne naissance aux séquences les plus drôles du film, il n’en est pas moins symptomatique de la vacuité du discours de Dominique Farrugia.
- Copyright EuropaCorp Distribution
N’ayant plus rien à dire de neuf, les acteurs sont réduits à des caricatures d’eux-mêmes qui cherchent à meubler les nombreux temps morts du film. Tout cela est bien évidemment assorti d’un bon sentimentalisme quasi forcené qui nous rappelle les valeurs de notre beau pays : travail, famille, patrie. Pauvre Franck, seul et laissé par sa femme, car il ne peut s’empêcher de courir la gueuse (tiens, tiens, les histoires de cocufiage ne sont jamais bien loin...), pauvre type en somme, qui a besoin d’un retour dans le temps pour comprendre comment vivre heureux, ce qui pourrait impliquer de se « taper » la version jeune de la femme de son meilleur ami. Vive le couplet sur l’amitié. Blablabla. Que dire de Kad en bon père de famille, médecin gynécologue déconnecté de sa propre vie, qui pourrait potentiellement récupérer celle de son ami loser, criblé de dettes et sans attaches ? Non, on ne peut rester un post-ado en rut toute sa vie, mais on peut chercher à la pimenter pour ne pas tomber dans la morosité. C’est ce qui se passe lors des crises de la quarantaine ou/et de la cinquantaine. Y avait-il besoin de nous montrer cet état de crise en version flashback, comme l’avait déjà fait, et avec brio, un film comme Camille redouble, une seconde fois ? Rien n’est moins sûr. Quoi qu’il en soit, si Dominique Farrugia parvient à reconstituer plutôt pas mal l’ambiance des années 80 avec ses bars kitsch, ses dancing-clubs à roulettes (hommage direct à La Boum), ses téléphones fixes, ses tee-shirts funky et ses coupes de cheveux « so fresh », sa réalisation, elle, ne fait preuve d’aucune audace visuelle. Après un essai inventif bien que malhabile de reconstitution du Paris de 1986 en mode « crayonnages street » (où l’on sent l’influence de la déferlante américaine de ces années-là), la caméra semble statique, se contentant d’enregistrer passivement les pérégrinations des deux héros. On aurait aimé être emportés, se sentir vraiment en décalage, mais ces années 80 manquent de fun et sont remplies de trucs vieillots qui n’ont finalement pas grand-chose de dépaysant. Seul Julien Boisselier, en père médecin coincé et maniaque, semble coller avec le décor et tire son épingle du jeu. Pour le reste, on ne repassera pas.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.