Le 23 juillet 2003

Un polar d’une redoutable modernité, où la fiction flirte avec la vie et l’humour. Noir c’est noir
Un flic complexé, des enfants turbulents, des femmes qui s’ennuient, un tueur mystérieux dans une cité écrasée de chaleur où chacun surveille son voisin... Billy-ze-Kick est un polar d’une redoutable modernité, où la fiction flirte avec la vie et l’humour. Noir c’est noir.
Des personnages plus vrais que nature peuplent la cité achélème des Oiseaux et l’imaginaire débridé et débordant d’humour de Jean Vautrin. Il y a là la concierge frustrée et sadique aux tétons pasteurisés qui écrit sur les murs de l’ascenseur tout ce qu’elle observe de pas très catholique dans la tour, une castafiore hystérique et somnambule, Eugène le chauffeur veuf qui picole et son fils Edouard, Hippo le schizo, Peggy Spring, la belle voisine à la vie nocturne agitée dont la plastique fait baver tous les mâles du quartier. Et il y a la famille Chapeau : Clovis Virgile Désiré Chapeau, l’inspecteur un peu facho complexé par sa petite taille, Juliette, sa femme plantureuse qui s’ennuie ferme dans son F4 et Julie-Berthe, 7 ans, qui zozotte et avoue une irrépressible obsession pour les zizis et les zézettes du voisinage.
Et pourtant, on n’est ni chez Guignol ni chez les Deschiens, et les personnages dévoilent leur humanité au travers de tragédies secrètes dont ils s’accommodent naïvement, parce que c’est le destin. Alors quand le destin vient bouleverser leur vie une fois de plus, Julie-Berthe a beau dire "pouce, ze ne zoue plus !", Billy-ze-Kick, héros des histoires que son flic de père lui raconte chaque soir, commet bel et bien des meurtres et ça n’est plus du tout pour rire. Et Jean Vautrin raconte, imperturbable, avec cette écriture cinématographique et imagée, un monde terriblement banal où la réalité est bien plus cruelle que la légende.
Jean Vautrin, Billy-ze-Kick, Folio Policier, 3 €