Le 10 juillet 2017
Fleischer réalise un péplum ambitieux et puissant.
- Réalisateur : Richard Fleischer
- Acteurs : Silvana Mangano, Arthur Kennedy, Anthony Quinn, Vittorio Gassman, Jack Palance
- Genre : Drame, Aventures, Historique
- Nationalité : Italien
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 2h12mn
- Titre original : Barabba
- Date de sortie : 31 août 1962
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Résumé : Jésus et le voleur Barabbas, tous deux condamnés à la crucifixion, sont exposés au peuple qui peut en libérer un. Barabbas est choisi et retrouve son quotidien avant d’être rattrapé par le doute et le remords...
Notre avis : Il y a au moins deux films dans Barabbas, deux films qui coexistent et se rejoignent de temps en temps : le premier est un péplum, avec ses conventions que Fleischer respecte consciencieusement ; le second est un itinéraire moral, spirituel et religieux qui mène le protagoniste de la mort probable (il est gracié in extremis, au détriment de Jésus) à la mort réelle, d’une crucifixion à l’autre.
Un péplum : les vêtements, les combats dans les arènes, le nombre de figurants, tout y est. Une part d’ « exotisme » aussi, avec les mines de soufre. Fleischer vise la grandeur et le monumental et, même si ce n’est pas l’aspect le plus intéressant du métrage, on peut dire que le contrat est rempli. L’affrontement avec Jack Palance ou les séances d’entraînement sont parmi les morceaux imposés les plus réussis, à l’image du méchant sardonique et cruel. Là le cinéaste fait preuve d’une limpidité et d’une aisance qui emportent le morceau.
Mais on imagine que l’alibi « intellectuel », cet itinéraire moral inspiré d’un roman de Lagerkvist, qui fut prix Nobel de littérature et sert ici de caution, devait valoriser le film et lui faire dépasser le simple récit d’aventures. De même Ben Hur travaille-t-il le thème de la conversion du héros, mais d’une manière plus sulpicienne et grandiloquente. On peut, avec Bertrand Tavernier, préférer la relative sobriété de Barabbas.
Certes, on a droit à quelques dialogues explicites qui ne respirent pas la légèreté, mais l’ensemble n’est pas défiguré par une prétention boursouflée. Il y a même de belles métaphores visuelles : Barabbas se perdant dans les catacombes ou l’effet de flou au moment où le personnage interprété (pas très bien) par Gassman est exécuté. C’est que Fleischer creuse une esthétique singulière qui lui fait multiplier les styles et parfois les audaces ; ainsi de cette forêt de croix à la lumières irréelle ; ou, au début, de ces mains suppliciées quasiment expressionnistes. On pourrait multiplier la recension des idées tant le film en regorge : associer Rachel au travelling, moduler la lumière pour faire de Lazare un cadavre ambulant, etc. Mais ces effets semblent parfois au bord de la gratuité et certains ressemblent davantage à des coquetteries qu’à des traductions stylisées.
Reste que le scénario est particulièrement soigné, avec ses rimes internes et ses symbolismes, et que le talent de Fleischer sait rendre concrètes des intentions qui auraient pu alourdir considérablement l’intrigue. Car le trajet de Barabbas, qui passe de l’ombre à la lumière, est une initiation avec ses étapes symboliques : la mort, la descente aux enfers (les mines), le meurtre, l’erreur, le feu, autant d’épreuves étalées sur plus de vingt ans pour que le protagoniste se transforme. Certes, le doute est très tôt présent : ainsi quand il singe le « roi » est-il interrompu par le passage du Christ avec sa croix. Mais si le doute est instillé, il se mue lentement en acceptation, et doit traverser reniement et interrogations.
On doit à Fleischer le fait que ce « sur-péplum » (au sens où Bazin parlait de « sur-western ») ne paraît pas encombré par des prétentions religieuses et morales ; si elles sont présentes, pas toujours de manière allusive, il sait la plupart du temps les transformer en matériau cinématographique, ce qui est en soi un exploit. De fait, loin de la superficialité presque parodique des péplums italiens, loin aussi des pensums hollywoodiens, Barabbas occupe une place à part et constitue un divertissement agréable et parfois profond. Fleischer a fait mieux, mais dans ce genre beaucoup ont fait bien pire.
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