De la poudre aux yeux
Le 19 avril 2021
Sans cesse persuadé de sa propre qualité, le célèbre polar de Ferrara ne passe plus la rampe.
- Réalisateur : Abel Ferrara
- Acteurs : Harvey Keitel, Victor Argo, Frankie Thorn, Anthony Ruggiero
- Genre : Drame, Policier
- Distributeur : Capricci Films
- Durée : 1h36mn
- Date télé : 19 avril 2021 20:40
- Chaîne : OCS Choc
- Reprise: 8 janvier 2020
- Box-office : 128 463 entrées France / 46 255 entrées Paris Périphérie
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 10 mars 1993
- Festival : Festival de Cannes 1992
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Résumé : Un flic pourri et drogué accumule les dettes. Lorsqu’une nonne est violée par deux hommes dans une église, celle-ci place une récompense sur la tête des deux criminels. Le Lieutenant voulant payer les dettes qui mettent en danger sa propre vie, décide de rechercher les criminels, tel un chasseur de primes. Sa descente aux enfers ne verra plus de fin...
Critique : Après une incursion dans le cinéma mainstream, à travers le film Le roi de New-York, Abel Ferrara signe une de ses oeuvres les plus radicales, qui renoue avec une veine sordide et plutôt underground, déjà présente dans son premier long-métrage The Driller Killer. New-York, sa ville de prédilection, sert d’écrin, sombre et poisseux, à cette histoire de rachat, totalement imprégnée de mysticisme. Secondé par la regrettée Zoé Lund, scénariste du film, le réalisateur offre à Harvey Keitel un rôle de flic junkie qui marquera sa carrière. En son temps, Bad Lieutenant heurta les intolérants, qui s’étaient déchaînés quelques années plus tôt contre La dernière tentation du Christ. Les supplications hurlantes d’un flic au pied d’un Jésus placide ne les avaient visiblement pas touchés...
- Photo Frankie Thorn - Copyright Bad Lt. Productions
Vingt-cinq ans plus tard, que reste-t-il de cette oeuvre sulfureuse ? Pas grand chose, en vérité. Trop enraciné dans les clichés d’une pseudo radicalité, soutenu par une mise en scène pataude, qui ne rechigne pas au symbolisme pesant. Tandis qu’une nonne se fait violer, il faut supporter un Christ cloué en insert, mains ensanglantées, visage à l’avenant. Sans cesse clignotent les signes épuisés d’un cinéma tape-à-l’œil, qui, à force de souffler le chaud de l’érotisme et la froideur de l’errance, dans les tons fauves qui conviennent aux flics décadents, ne fait ni chaud ni froid, quand bien même le Bad Lieutenant sortirait de sa léthargie poudrée pour fusiller un auto-radio, se soulager devant deux jeunes femmes, que son pouvoir tient par le creux du désir, ou pour hurler sa douleur de bête contrariée dans ses humeurs vindicatives. Ce ne serait pas encore assez : il faudrait subir la morne silhouette du policier défait par l’issue d’un match de baseball, relevant son col façon Hondelatte, au moment de sortir du bar. Il faudrait le voir agenouillé au pied d’un Christ hiératique, dont la silhouette se découperait dans un halo de lumière cristalline.
On plaint le grand Keitel de réduire son jeu à quelques dodelinements de tête pour mimer la déchéance ou adopter les postures marmoréennes du strong guy, sur lequel le destin laisse planer son ombre implacable, avant que sa rage trop longtemps contenue n’explose, selon un programme prévisible.
Le film n’est qu’un avatar et Ferrara, qui ne connaît pas l’immanence, jubile de quelques scènes à faire, pour se croire sans doute prophète du polar apocalyptique, pythie d’un Enfer où l’on se gargarise de filmer des acteurs réellement junkies. A charge pour nous de comprendre, par la collusion d’une religieuse exaltée et d’un flic verreux jusqu’à l’os, qu’une rédemption semble possible. Elle adviendra, forcément.
Si cette pénible mystification passe pour un classique du genre, on remarquera que les films suivants du réalisateur ont rendu plus visibles encore les tendances d’un style intrinsèquement prétentieux et vain.
- Copyright Bad Lt. Productions
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