Si tu y vas, va en paix
Le 26 septembre 2019
Bacurau se construit d’abord sur une narration collective qui ne semble pas savoir où elle nous emmène, jusqu’à ce que l’explosion de violence ne débute et nous fasse réaliser la puérilité de son propos politique.
- Réalisateurs : Kleber Mendonça Filho - Juliano Dornelles
- Acteurs : Udo Kier, Sonia Braga, Barbara Colen, Thomas Aquino, Silvero Pereira, Antonio Saboia
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français, Brésilien
- Distributeur : SBS Distribution
- Durée : 2h12mn
- Date télé : 31 octobre 2022 22:25
- Chaîne : Arte
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 25 septembre 2019
Critique : En ouvrant son film sur un camion qui zigzague, il est possible que Kleber Mendonça Filho ait voulu nous avertir de ce que nous nous apprêtions à voir, tout en glissant la métaphore la plus subtile de tout son long-métrage. En effet, à l’instar de ce fourgon, Bacurau s’apparente à un poids lourd qui sait où il veut aller mais qui peine à nous emmener. Pendant près d’une heure, le film nous fait découvrir ce village éponyme et partager les peines et surtout les peurs de ses habitants face à une disparition annoncée. L’allégorie de l’actuelle situation du Brésil, qui a récemment fait le choix d’un président d’extrême droite pour contrer la menace que représente à ses yeux l’hégémonie américaine, est évidente. Le parti pris des deux réalisateurs de faire passer le collectif avant l’individuel est même louable, mais regrettable dès lors qu’il leur empêche de développer un minimum leurs personnages, allant jusqu’à faire de ce village une simple brochette de figures caricaturales.
- © 2019 VICTOR JUCÁ
Si l’on finit tout de même par s’attacher au charme pittoresque de ces laissés-pour-compte, c’est finalement bien moins grâce à leurs arcs narratifs respectifs qu’à la qualité avec laquelle Filho et Dornelles sont parvenus à capter la relation fusionnelle de leur communauté avec la nature qui les entoure. La beauté de certains plans nous fait bel et bien oublier les failles d’un scénario qui ne fonctionne qu’à la métaphore grossière. Cependant, la seconde moitié du film va quelque peu délaisser cette photographie démonstrative au profit d’une mise en scène qui se voudrait plus punchy. Il faut reconnaître que l’idée de représenter le pillage américain du Brésil par un groupe de ressortissants des Etats-Unis venus littéralement descendre des opprimés, n’est pas ce que l’on a vu de plus subtil au cinéma. La représentation frontale de la violence, d’abord incarnée par un drone inquiétant puis par Udo Kier (toujours aussi monolithique et anxiogène) et ses ouailles, transforme le film en une sorte de fable baroque, mais surtout, dans certaines des scènes les plus explosives, en un exutoire assez puéril.
- © 2019 VICTOR JUCÁ
Le recours à des psychotropes naturels par les gentils locaux fait opposition aux drogues que prennent les vilains américains. Ce manichéisme lourdaud devient rapidement le principal moteur de ce scénario, et ce qui avait démarré comme une chronique mélodramatique naturaliste se transforme alors en un actionner vidéo-ludique, certes excitant par moment mais rarement très profond. Le contexte dystopique emprunte même allègrement à la mise en scène du western pour figurer ses fusillades, comme une preuve (ironique) de l’influence américaine sur la culture brésilienne. Cette frénésie meurtrière à laquelle les habitants de ce village sont contraints d’avoir recours interroge néanmoins sur la légitimité de celle-ci face à une situation qui est, comme le film le pointe du doigt dans l’une de ses nombreuses caricatures, le fait d’un politicien local qui désire manipuler cyniquement ces oubliés. Le discours moral, qui trouve son espace dans une scène de tuerie dans un musée, peut sembler didactique et convenu, et pourtant, l’idée que la violence soit l’ultime rempart à la déliquescence du pays laisse derrière elle comme un goût amer.
- © 2019 VICTOR JUCÁ
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Alexis Lucas 28 septembre 2019
Bacurau - la critique du film
Merci de cet judicieuse critique si lucide
domilionnet@live.fr 6 octobre 2019
Bacurau - la critique du film
Très bonne critique qui a réussi à expliquer l’impression mitigée que nous avons eue en sortant de la salle.
Merci ,
Dominique LIONNET