Le 21 octobre 2023
Le portrait poétique d’une ville en même temps qu’un autoportrait en creux, qui nous en dit autant sur Recife, que sur le rapport de Kleber Mendonça Filho à son médium.
- Réalisateur : Kleber Mendonça Filho
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Brésilien
- Distributeur : Urban Distribution, Dean Medias
- Durée : 1h33mn
- Titre original : Retratos Fantasmas
- Date de sortie : 1er novembre 2023
- Festival : Festival de Cannes 2023
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Résumé : "Portraits fantômes" est un voyage multidimensionnel dans la ville de Recife, capitale brésilienne de Pernambuco, à travers le temps, le cinéma, le son, l’architecture et l’urbanisme. Cette visite impressionniste qui associe l’archive, la fiction, l’extrait de film, les souvenirs personnels est à la fois une cartographie de la ville et un hommage à la salle de cinéma qui tout au long du XXe siècle a été ce lieu de convivialité, réceptacle des rêves, des espoirs et des émotions. Dans cette déambulation ludique, les individus se confondent avec les personnages, les lieux avec les décors, les paroles avec les dialogues.
Critique : Comme dans Les bruits de Recife, Kleber Mendoça Filho dresse amoureusement le portrait de sa ville, Recife. Au sein d’un montage vif, alternant images d’archives et prises de vue actuelles, il évoque ce paysage des années 60, remplacé par le béton et les gratte-ciel, sa maison, son voisinage, qui se barricade à l’aide de grillage de protection, face à la montée du radicalisme. Mais avant d’être un documentaire politique, c’est surtout une vision du monde empreinte de nostalgie, de mélancolie et de poésie que le réalisateur donne à voir.
Le film se scinde en trois parties, dont la première est amenée par un travelling avant suivant le mouvement d’un train : on pense bien sûr aux frères Lumière, mais il s’agit là d’un geste qui traduit plutôt une introspection par métaphore, le train étant le moyen de locomotion qui nous permet, en tant que spectateur, d’entrer dans l’esprit du cinéaste. Très vite, un parallèle est fait entre le corps de Kleber Mendoça Filho et l’espace de la maison, qui mue, se transforme au fil du temps : temps qu’il a capturé dans sa caméra, parce que l’appartement est devenu le décor de nombres de ses films. Parce qu’il s’agit d’un lieu connu sur le bout des doigts, d’une sorte de prolongement de sa personne, le moindre détail, le moindre recoin deviennent matière cinématographique, et les images de fiction et celles de la réalité flirtent ensemble. La vie vécue inspire les histoires racontées par les images, et les histoires servent d’appui pour imager les souvenirs.
Portraits fantômes est un film qui parle d’autres films dans un procédé méta-cinématographique : ceux réalisés par le cinéaste, mais aussi des cinémas qui jonchent la ville de leur présence. Ils sont d’ailleurs situés de par et d’autre du fleuve qui traverse Recife, comme dans un champ-contre-champ. Leur déclin correspond également, comme dans un jeu de vase communiquant, à celui de la ville.
Le film, adoptant une forme proche du journal filmé, ressemble à une lettre, par la voix off qui hante les images, les explique, les déplie, et fait apparaître des fantômes de toutes sortes, qu’il soit réels (les images d’archives) ou bien fictifs (par une mise en scène qui fait apparaître puis disparaître des êtres). Il s’agit d’un puzzle d’images hétéroclites, qui suspend le spectateur dans un aller-retour entre passé et présent, au cœur d’une mutation plutôt pessimiste, où les cinémas mythiques sont remplacés par des enseignes commerciales. Le réalisateur réussit à en tirer un sentiment proche du spleen baudelairien, où l’on s’attarde sur les ruines, ce qui n’est plus, mais restera gravé par la force des images témoins.
– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, hors compétition, séance spéciale
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