Le 31 mars 2017
Olivier Dubois nous livre un véritable marathon dansé.


- Genre : Opéra, ballet & danse

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Début de représentation. La salle est plongée dans le noir.
Attente…
Une soufflerie se déclenche, un vrombissement monte en puissance tel un avion au décollage, mêlé d’une douce mélodie électro.
Levée de lumière feutrée sur la scène, on devine en contraste des corps agités, des mouvements furtifs et des ombres fuyantes telles un essaim d’abeilles. Et le marathon des « augures » débute.
Les danseurs-coureurs - dans un mouvement circulaire qui rappelle les précédentes créations d’Olivier Dubois - pénètrent et ressortent de la scène - dans un flux et reflux permanent, qui ne s’arrêtera pas durant près de 50 minutes, hyper millimétré, malgré l’impression d’un immense désordre.
Les acteurs de cette comédie humaine semblent perdus et désemparés. Des tensions se créent au milieu de cette course énergique, à la foulée perpétuelle, ample et rapide, le corps entièrement projeté vers l’avant, et décidé à en démordre.
- Photo : François Stemmer
Tant qu’ils peuvent fuir, alors la violence de la course est passagère et l’on peut faire avec.
Mais à partir du moment où ces hommes et ces femmes se retrouvent tous dans les blocs bleus alignés en fond de scène - dont ils ont jusque-là surgit, et derrière lesquels ils ont pu se réfugier - alors la panique s’empare de ces chairs vulnérables. Mélangés, harassés, tiraillés dans leur étreinte forcée par l’exiguïté du lieu, la tension monte. Le corps crie violence.
Deux hommes tombent à terre mais le monde continue de courir sans y prendre attention dans une énergie de résilience qui a perdu tout combat plutôt que d’y puiser une force.
Chacune de ces particules humaines se frôle, s’évite de peu, et quand l’une d’elle ralentit sa course, on espère la rencontre, mais c’est au contraire pour être en proie aux autres, à la meute, au monde cruel et jaloux. Olivier Dubois évoque aussi pudiquement les meurtres, rapts et tortures… qu’elles soient physiques ou mentales.
Et puis la troupe se volatilise. Pas de témoin. L’humanité disparaît.
Les corps perdent alors leur sens et se vident, dégoulinent du haut des blocs bleu, éclairés désormais d’une lumière orange fluorescente, et toujours dans un mouvement perpétuel.
La tragique et frénétique chorégraphie du génial directeur du Ballet du Nord s’arrête après 50 minutes d’une séance éreintante pour les danseurs ET les spectateurs… et avec quelle résistance et endurance !
- Photo : François Stemmer
Auguri clôt ainsi le magnifique triptyque d’Olivier Dubois, série sans demi-mesure, franche et moderne qui débuta en 2009 avec Révolution (sur la musique du Boléro de Ravel) et Tragédie en 2012.
On espère après son départ du Centre Chorégraphique National de Roubaix en 2017 qu’Olivier Dubois continuera de nous abreuver de sa soif d’expressivité qui le poussa à l’âge de 23 ans à se lancer dans la danse alors que son parcours - et son physique anti-cliché de la danse - l’orientaient vers l’économie...
Chorégraphie et scénographie : Olivier Dubois
Assistant de la création : Cyril Accorsi
Musique : François Calfenne