De Ira - Stéphane Hirlemann - la chronique BD

En ouvrant sur une intrusion dans un camp de migrants, comme un écho à ce que tant d’enfants, de femmes et d’hommes subissent dans différentes régions du monde, cet album démarrait déjà fort niveau dénonciation. Puis, avec son professeur d’université contesté, comme un reflet de tant de personnalités enfin coincées par le mouvement metoo, on se dit que le pamphlet s’amplifie. Finalement, cette critique d’une société anticipée toutefois très proche de la nôtre s’achève dans sa décomposition, son implosion, comme si une remise à zéro était nécessaire pour épurer, laver les routes d’une neige symbolique, remettre les plantes et les bêtes au cœur d’un Paris anarchique. Le final est donc plutôt épique, mais les premières pages demeurent comme le premier coup d’épée qui aurait fait vaciller le lecteur, véritable emblème de cette colère latente qui ne demande qu’à s’extraire.

Stéphane Hirlemann / Delcourt

Pour installer cette colère, le noir, blanc, gris qui tourne au vert, donne à voir une cité en forme de marais putride, et alors que chaque détail graphique est impeccable, des moues d’un maître de conférence à une immense serre en pleine ville, on ne peut s’empêcher de déceler un malaise, une forme de gêne qui imprègne les pages. Le dessin a réussi à instiller une méfiance au lecteur, qui ressent la tension à travers les ombres et les plis.

Stéphane Hirlemann / Delcourt

Comme une massue aux formes souples et aériennes, De Ira est un livre qui impose la colère, l’injustice et la volonté de tout renverser, album qui crève un abcès tout en le dessinant d’une main de maitre.