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Le 31 janvier 2006


L’adultère, le sacré, le mariage impossible entre la parole et la pensée, Botho Strauss multiplie les points de vue et élargit son regard sur le monde.
L’adultère, le sacré, le mariage impossible entre la parole et la pensée, Botho Strauss multiplie les points de vue et élargit son regard sur le monde.
Peut-être le véritable "je" se cache-t-il entre deux guillemets. Comme "ce don que j’ai de disséquer n’importe quelle chose, même la plus bête, en nuances infinies, jusqu’à lui enlever tout sens et toute netteté de contours...", attribué à l’un des personnages de Encore elle et qui ressemble à une définition de l’écrivain. Comme cette exilée lettonne qui s’empare littéralement de la parole d’un mari resté au pays pour faire l’apologie de l’artiste, même entretenu, même volage, même criminel. Plus que la narration totalement éclatée, c’est cette faculté à briser tous les repères qui jalonne ces quatre nouvelles de Botho Strauss. Repères sociaux, repères spatiotemporels, passages sans transition d’un destin à un autre, d’un âge à un autre, tout s’efface sans perdre une once de cohérence. On pourrait croire à de l’avant-garde, et pourtant l’écriture reste d’une inaltérable sobriété, classique et sage, y compris lorsqu’elle se mue en poésie. Le ton ne varie presque pas, comme si cette parole restait imperturbablement sincère et que c’est cette sincérité, et seulement elle, qui maintiendrait ces différents récits sur leurs deux pieds de granit.
Tout arrive par bribes ou par de multiples points de vue - la femme, l’homme, l’amante, l’enfant, l’érudit, le désespéré, le père - et s’agrège pour donner la température d’une époque, d’une civilisation ou, sans doute, prendre le pouls d’une vie passée à écrire des pièces de théâtre, des critiques, des récits et, plus simplement, à observer. Le recours à la première personne se dissout dans la kyrielle de personnages dépeints, de sensations conscientes ou inconscientes éprouvées, de formes réalistes, fantastiques ou oniriques, et finit par retrouver toute la virulence d’un témoignage désespéré sur le monde contemporain. Une nouvelle façon d’écrire ses mémoires et de trouver le juste équilibre entre la forme littéraire et le recours plus ou moins flagrant à la démarche philosophique. L’humour en moins, il y a quelque chose de Musil, l’auteur qui se définissait comme un essayiste, chez ce Botho Strauss-là.
Botho Strauss, Au dieu des bagatelles (Das Partikular, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira), éd. Christian Bourgeois, 2006, 232 pages, 23 €