Au Clémenceau - Xavier Gayan - critique

Critique : Xavier Gayan est un cinéaste de l’invisible. À la façon d’un photographe, il sait capter les regards, les paroles, les détails d’une affiche qui font la force et la magie d’un espace de vie, à savoir un bar tabac, où les habitués s’épanchent dans des conversations hasardeuses. Les hommes viennent prendre une bière, ils achètent un ticket de loto, un journal, ils s’échouent dans ce lieu presque public, "Le Clémenceau" où soudain le handicap, la maladie mentale, l’alcoolisme se révèlent dans des récits aussi touchants que chaotiques. Le réalisateur fabrique des documentaires depuis longtemps, cherchant à ouvrir des fenêtres sur le vivant. Son œuvre s’intéresse au décalage, aux pas de côtés, le cinéaste aborde le réel de la vie, aussi sordide soit-elle parfois. Sa caméra ne triche pas. Le racisme, la bêtise, dégoulinent parfois de ces visages en quête de reconnaissance et de place dans la société.

Copyright A Vif Films

Au Clémenceau a de remarquable la manière dont les clients s’adonnent sans fard à la vérité de leurs existences. Xavier Gayan laisse éclore les paroles qui témoignent de la réalité des vies ordinaires, bien loin des lieux de pouvoir parisiens ou des milieux bourgeois feutrés. Ainsi, le film ne cherche pas la perfection. L’éclairage, le mouvement de la caméra, la lumière peuvent souffrir de maladresses ou de légers ratages. Car Xavier Gayan ne cherche pas à tricher, à masquer la tendresse, la grossièreté de ces personnages, assommés d’alcool. Il les montre dans leur vérité, sous la surveillance discrète du patron du bar. D’ailleurs, le buraliste témoigne d’un métier complexe, où il assume un commerce qui aide les gens à tenir la tête hors de l’eau, tout en les étouffant peu à peu.

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Au Clémenceau constitue un film presque clinique sur l’addiction. Xavier Gayan va puiser dans les regards, les récits des gens qu’il filme, la brutalité des émotions et des parcours de vie. Il n’y a pas un personnage à travers lequel on ne ressent pas la fragilité du monde. Les confidences se succèdent, dans un format parfois qui peut manquer de cohérence. Le réalisateur ne provoque pas la compassion ou le mépris. Au contraire, la caméra fait preuve d’un véritable souci de dignité et de respect pour les hommes qu’elle appréhende. Les femmes sont rares. La maladie psychique éclot dans ces récits de buveurs qui s’illusionnent d’un état de santé qui n’est pas le leur.

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Au Clémenceau n’est pas un énième film sur les habitués d’un bar tabac. On perçoit surtout l’intention, voire le militantisme de son réalisateur, en faveur d’une inclusion réussie pour les personnes handicapées ou malades psychiques.