Le 23 avril 2003
Un roman simple, touchant et drôle qui est aussi une critique acerbe des petites hypocrisies quotidiennes.
Ou comment un vieil homme acariâtre et un petit garçon emprunté apprennent ensemble à accepter le passé et à apprivoiser l’avenir... Un roman simple, touchant et drôle qui est aussi une critique acerbe des petites hypocrisies quotidiennes.
Le titre pourrait faire craindre le pire. Mais dès la première page, Sandrine Soimaud nous détrompe avec humour et juste ce qu’il faut de cynisme. Amours posthumes n’a rien d’un roman pompeux et mélodramatique, c’est au contraire un récit drôle et bourré de tendresse, parfois grinçant, souvent réjouissant.
C’est un roman écrit à deux voix. La première est celle d’un vieillard aigri mais qui ne manque pas d’humour ni de lucidité. Il ne nous épargne aucun détail concernant son ventre bedonnant, ses poils dans les oreilles, sa façon de respirer fort et de tacher ses pyjamas... autant de petites choses qui alimentent la peur de vieillir et qui sont ici dédramatisées à force de crudité et de franchise. Pépère, comme l’appellent les membres de sa pseudo famille qui viennent le "promener" tous les dimanches pour lui soutirer l’argent de ses vieux jours, assume tout à fait sa relative déchéance. Avec un aplomb qui frise parfois la provocation.
Oui, il aime recevoir au lit, cracher dans le téléphone, et n’entendre que ce qu’il a envie d’entendre. Oui, il est vieux, laid et fier de l’être. Fier, aussi, de se passer si bien de son épouse qui l’a "quitté" après des années de vie commune.
Oui, sa vie lui convient comme elle est, tant qu’il peut manger des haricots en conserve et répondre à d’hypothétiques annonces matrimoniales lancées par des dames qui ne lui donnent jamais de nouvelles...
Jusqu’à ce qu’il découvre un petit garçon. Un lointain rejeton de cette famille qu’il ne considère pas comme la sienne. Un gamin binoclard qu’il voyait toutes les semaines et avec lequel il entretenait une indifférence réciproque, jusqu’à ce que le môme sonne un jour à sa porte avec un dessin à la main... Ce tête-à-tête fortuit les amènera à se découvrir et à voir leur vie autrement. L’occasion pour le vieil homme de repenser son passé avec une tendresse qu’il avait oubliée. D’accepter enfin la mort de sa femme en revenant sur leur vie de couple avec ses douleurs, ses agacements mais aussi ses moments de grâce. Pour l’enfant, cette relation de confiance et d’amour avec un homme qu’il trouvait bougon et répugnant l’aidera à se sentir enfin aimé et à s’accepter au sein d’une famille et d’un monde auxquels il se sentait jusque là étranger.
L’idée est simple mais permet à la fois de suivre les pensées et les sentiments de ces deux personnages qui se découvrent peu à peu autres, et de dévoiler toute une vie, la jeunesse presque oubliée du vieil homme qui resurgit par à-coups derrière le vernis des années et des habitudes. Mais petit à petit, à mesure que la tendresse grandit, l’humour tend à disparaître et l’on ne retrouve plus le ton incisif des premières pages. Malgré ses personnages attachants, le livre a parfois tendance à devenir un peu monotone. On se laisse bercer par ces épisodes qui nous rappellent à tous un grand-père ou un souvenir d’enfance. Les silences pesants, les meubles désuets, les petites manies et les dimanches interminables où, enfant, on se tortillait sur les canapés fleuris en attendant l’heure de la délivrance... On se laisse aller à retrouver cette atmosphère feutrée et un peu doucereuse qui s’insinue au fil des pages.
Heureusement, l’histoire reste subtile et touchante, joliment racontée par ses deux narrateurs. Sandrine Soimaud donne à chacun de ses personnages ses mots à lui, mots d’enfant pour le petit garçon, d’une spontanéité brusque et tendre. Pour le vieil homme, des phrases parfois un peu alambiquées, d’une autre époque, drôles et décalées mais toujours vraies même dans les détails gênants, les pensées inavouables. Sincères aussi dans la critique sous-jacente d’un monde hypocrite et froid dont le vieil homme et l’enfant se sentent exclus, jusqu’à recréer leur propre univers qui les aidera à se faire une place dans l’autre, le grand, l’hostile...
Un joli roman sans prétention mais très juste, qui jette sur le monde un regard tendre et amusé.
Sandrine Soimaud, Amours posthumes, Verticales, 2003, 253 pages, 17 €
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