L’ombre et la proie
Le 23 juin 2021
Un film policier hollywoodien sobre et âpre, transfiguré par des interprètes habités. Qui s’en plaindra ?
- Réalisateur : Ridley Scott
- Acteurs : Denzel Washington, Russell Crowe, John Hawkes, Chiwetel Ejiofor, Ted Levine, Carla Gugino, Josh Brolin, Idris Elba, Cuba Gooding Jr., RZA, Ruby Dee, Eddie Rouse
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Paramount Pictures France
- Durée : 2h37mn
- Date télé : 29 février 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 14 novembre 2007
Résumé : Début des années 1970, New York. Frank Lucas a vécu pendant vingt ans dans l’ombre du Parrain noir de Harlem, Bumpy Johnson, qui en fait son garde du corps et confident. Lorsque son patron succombe à une crise cardiaque, Lucas assure discrètement la relève et ne tarde pas à révéler son leadership, son sens aigu des affaires et son extrême prudence, en prenant pour auxiliaires ses frères et cousins et en gardant un profil bas. Inconnu de la police comme des hautes instances de la Cosa Nostra, Lucas organise avec la complicité d’officiers basés au Vietnam un véritable pont aérien et importe ainsi par avions entiers des centaines de kilos d’héroïne pure, qu’il revend à bas prix dans les rues de New York.
Critique : Sous couvert de courses-poursuites entre chat-flic et souris-voyou à la Michael Mann et de grandes performances oscarisables, American Gangster se veut avant tout une noble illustration du rêve américain qui ne se résume pas aux prestations impressionnantes de ses deux comédiens principaux (Denzel Washington et Russell Crowe). Une exigence qui justifie la durée conséquente d’un objet qui fonctionne crescendo : plus il progresse, plus il gagne en intensité. Aux commandes de cette entreprise ambitieuse qui suit le parcours du plus grand importateur de drogue new-yorkais - l’American gangster du titre, incarné par Washington -, Ridley Scott respecte en surface les contingences du produit hollywoodien mais semble avant tout conscient de la robustesse du script signé Steven Zaillan, la vraie révélation de l’affaire. En faisant valser le blanc et le noir, le bien et le mal, le scénariste décrit avec précision un monde mouvant où les valeurs US patraques succombent sous le poids de l’argent et de la corruption, en écho aux incertitudes idéologiques d’antan. Rien de nouveau en apparence. Rien de plus stimulant depuis bien longtemps.
Plus Fincher dernière période (réflexion sur un genre) que Coppola première (pas une énième référence de chronique mafieuse), Ridley Scott n’accorde pas d’importance sacro-sainte à sa mise en scène. C’est plutôt une surprise. Bonne ou mauvaise, selon ses aficionados. La forme, extrêmement sobre, débarrassée des tics épiques ou grandiloquents du réalisateur, ne sert qu’à privilégier le fond humble. Pas de Scott formaliste à l’horizon : le cinéaste se contente de remonter la pente raide de sa dernière descente (Une grande année, film de commande niais sorti au début de l’année). Du travail de faiseur doué qui récite beaucoup les classiques (Mann, Scorsese, Cimino, Friedkin) et amplifie par ces balises la densité foisonnante de l’intrigue. Comme désabusé, il sous-entend par son refus des scènes d’action - exception faite d’une impressionnante séquence de fusillade dans le dernier tiers - qu’il est inutile de refaire ce qui a déjà été fait chez les autres, en très bien. Une démarche honnête et passionnante qui porte l’attention du spectateur ailleurs, le pousse à gratter le vernis des oripeaux du thriller pour apprécier la peinture de l’Amérique post-Vietnam confuse et désabusée des années 70 et au passage des changements d’une époque partagée entre utopie et cynisme.
Pas la peine de faire la fine bouche : il faut se réjouir de ce retour aux sources salutaire qui amène, comme dernièrement les remarquables Zodiac de Fincher et Raisons d’État de Robert De Niro, à une réflexion sur un cinéma actuel qui se « sérialise » (American Gangster pourrait presque être au cinéma l’équivalent télé de l’excellente série Sur écoute). Loin des codes, loin des modes. Face à la profusion de séries télévisées policières clinquantes, Scott exploite toutes les possibilités cinématographiques de son canevas pour fouiller la psychologie tordue de ses personnages. Virtuosité discrète, efficacité totale. L’exercice est brillant, toujours intense, démontrant une nouvelle fois que le cinéma américain a de l’ambition pour son public. Comme aux plus belles heures.
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Norman06 27 avril 2009
American Gangster - Ridley Scott - critique
Bon spectacle, qui tient en haleine pendant 2h30 quand tant de courtes bluettes paraissent interminables. Reconstitution sans fioritures du Harlem des années 70, avec un sens du filmage qui évite les maniérismes usuels de Ridley Scott. Sur un sujet somme toute classique et un canevas déjà vu, du cinéma traditionnel mais efficace. Denzel Washington et Russell Crowe sont impeccables.