Inspecteur la Bavure
Le 4 avril 2019
Brillante Mendoza veut dénoncer frontalement la violence et la corruption qui gangrènent son pays. L’intention est bonne mais son style hyper réaliste, centré sur le drame social à l’échelle intime, et les codes du film policier s’avèrent incompatibles.
- Réalisateur : Brillante Mendoza
- Acteurs : Allen Dizon, Elijah Filamor
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Philippin
- Distributeur : New Story
- Durée : 1h34mn
- Date de sortie : 17 avril 2019
- Festival : Festival du film Policier de Beaune, Festival international du film de Saint-Sébastien
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Résumé : Dans les quartiers pauvres de Manille, la lutte antidrogue fait rage. Un officier de police et un petit dealer devenu indic tentent coûte que coûte de faire tomber l’un des plus gros trafiquants de la ville, mettant en jeu leur réputation, la sécurité de leur famille… et leur vie.
Notre avis : Voilà dix ans que Brillante Mendoza ne s’était frotté d’aussi près au cinéma de genre. La dernière fois, avec son film Kinatay, il observait les gangs de Manille par le prisme du regard d’un enfant qui s’y retrouvait intégré de force. Aujourd’hui, ce sont les policiers des brigades antistupéfiants qui l’intéressent. Ceci s’explique par la « guerre contre la drogue » dont le président Rodrigo Dutertre a fait l’un de ses principaux arguments lors de son élection en 2016.
Le défi que s’est donné le réalisateur était donc d’établir un bilan de ce programme politique aussi ambitieux que populaire. Entre le pitch qui nous annonce un face-à-face entre deux flics et un caïd impitoyable, et les premières minutes du film, au cours desquelles s’organise une descente de police musclée, nos attentes de spectateurs nous donnent une idée précise du polar dans lequel nous mettons les pieds. Mais ceux qui connaissent le cinéma de Mendoza, et son goût pour les drames sociaux donnant une place importante aux détails personnels, savent davantage vers quoi se dirige son nouveau film.
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Le style hyper réaliste, avec un usage de la caméra portée et d’un étalonnage qui appuie l’atmosphère sordide qu’il dépeint, dont le cinéaste Philippin faisait notamment preuve dans Serbis est, sans surprise, exactement le même qu’il utilise pour suivre l’inspecteur Espino et son complice Elijah. Ainsi, une fois passée l’intervention de la brigade du SWAT lors d’une arrestation brutale, tous les codes classiques du film policier –et plus encore du film d’action– sont rapidement passés à la trappe.
Si cette première partie nous permet de constater l’organisation militaire de la police locale, et de profiter d’un montage dynamique, la suite ne se construit pas selon le schéma de l’enquête policière attendue, mais préfère se concentrer sur le quotidien routinier des deux personnages. Ainsi, délaissant tous les enjeux politiques en même temps que l’investigation au cœur des réseaux philippins, Mendoza examine l’intimité de ce flic issu des milieux plutôt aisés et de ce dealer venu des quartiers difficiles. Les voir s’occuper de leur famille respective, et se rencontrer épisodiquement pour s’échanger des informations et de l’argent, est le fruit d’un parti pris annoncé consistant à briser tout manichéisme dans ce contexte de lutte contre le trafic de crack et de méthamphétamine.
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Néanmoins, le sentiment de voir de nombreuses scènes parfaitement inutiles à la dramaturgie –telle que l’élection des délégués de classe de l’une des filles d’Espino– se cumule au constat du manque d’incarnation des personnages. Ni Allen Dizon, en flic corrompu mais propre sur lui, ni Elijah Filamor, en petit dealer au look punk, ne parviennent à donner du corps à leur rôle. Sans doute l’écriture n’aide-t-elle pas le manque de charisme dont ils font preuve.
Le choix du scénario de laisser comme nébuleuse la violence qui règne sur ces ghettos, en allant jusqu’à oublier l’existence du principal antagoniste, pour lui préférer la convenance dont font preuve ces hommes au sein de leur foyer, a pour effet de faire disparaître tous les enjeux et, inévitablement, en répétant de tels passages, rend le long-métrage monotone. Même le retour de la violence dans les dernières minutes ne parviendra pas à rendre la conclusion véritablement bouleversante, tant les personnages n’ont su susciter que peu d’empathie. Le drame et le polar en arrivent à être aussi peu efficients que le message politico-social, les trois éléments n’ayant pas su être mélangés de façon suffisamment harmonieuse pour les exploiter individuellement.
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