Deux ou trois choses que je sais...
Le 14 février 2012
Servi par une construction psychologique et une interprétation d’une grande qualité, ce drame étouffant réussit à cultiver un côté à la fois mystérieux et émouvant tout le long du film.
- Réalisateur : Asghar Farhadi
- Acteurs : Taraneh Alidoosti, Golshifteh Farahani, Shahab Hosseini, Payman Maadi , Saber Abbar
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Iranien
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h56mn
- Titre original : Darbareye Elly
- Date de sortie : 9 septembre 2009
- Festival : Festival de Berlin 2009
Résumé : Un groupe d’amis étudiants passe des vacances dans une vaste demeure au bord de la mer Caspienne. Sepideh, qui s’est occupée de l’organisation, a décidé d’inviter Elly, en espérant que celle-ci ne soit pas indifférente au charme de son ami Ahmad, qui sort tout juste d’une rupture. Les vacances se passent dans la bonne humeur, jusqu’à la soudaine disparition d’Elly...
Critique : Par une sorte de paradoxe savoureux, les arts sont toujours fascinés devant ce à quoi ils n’ont pas accès ; et sauf très rare exception, le cinéma ne place jamais totalement le spectateur « dans » la peau des personnages, la caméra nous laissant en dernière instance sur le bas-côté, face à une figure et une psyché humaines qui semblent impénétrables. Ce mystère est au cœur d’À propos d’Elly : comment deviner la vérité des sentiments et des pensées, derrière les sourires polis et les attentions d’une jeune institutrice de Téhéran, amenée comme « pièce rapportée » dans un solide groupe d’amis sûrs d’eux et à la répartie facile ? Et comment reconstituer cette vérité, si la jeune femme en question n’est plus là ? C’est une expérience psychologique subtile que mène Asghar Farhadi, avec un tact minutieusement calculé. Son mérite est d’avoir transformé cette virée entre amis, eux-mêmes partis pour s’échapper de la ville et respirer une grande bouffée de frais au large, en étrange huis clos à l’air libre, où l’on se sent opprimé et sur le point de suffoquer. Que cet étouffement soit littéral - les scènes de sauvetage à la nage, filmées nerveusement, avec une caméra à demi-immergée, - ou métaphorique - les mêmes cris, les mêmes engueulades se répètent inlassablement avec la violence d’un coup de marteau -, il confère au métrage une densité insoupçonnée au regard de sa trame réduite. Le temps d’un week-end à peine, on ne visite qu’une poignée de lieux choisis où les personnages tournent en rond, semblent lancer leurs angoisses dans le vide, et se heurtent les uns aux autres sans résultant plus probant que de se blesser eux-mêmes.
L’autre grande force du film réside dans la palette d’acteurs pris au piège du scénario et de la caméra de Farhadi. Placée au centre de l’intrigue et de la troupe, Golsifteh Farahani reste la plus troublante, et sa capacité d’osciller entre plusieurs registres est à la hauteur de la complexité de son personnage. C’est elle qui apporte toute son humanité à un univers dont la tension finit par devenir un peu désespérante, et où l’on ne badine ni avec les engagements, ni avec les valeurs - l’honneur, la fidélité... -. Même si le propos du réalisateur ne se réclame pas directement d’une portée sociale, À propos d’Elly dresse aussi le constat neutre et désabusé d’un simple état de faits dans les relations entre les hommes et les femmes, lorsque celles-ci deviennent des cartes que l’on choisit de jouer ou de laisser de côté, selon l’exigence du moment. On peut regretter que le film revête au bout d’un moment un aspect un peu « linéaire », où l’enchaînement artificiel des événements et des révélations se fait plus lourdement sentir qu’au début. Mais le réalisateur place précisément au centre de son œuvre une belle promesse, celle d’ouvrir à l’un de ses personnages - la fameuse Elly du titre - un espace de liberté et de secret, qui ne sera pas totalement investi par le spectateur. Et quoi de plus rassurant qu’une éclaircie - aussi ténue soit-elle - de mystère et de bonheur ?
- © Memento Films Distribution
Galerie photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Norman06 19 septembre 2009
À propos d’Elly - Asghar Farhadi - critique
Un film iranien majeur, et l’une des œuvres les fascinantes sur une disparition, après L’avventura, Psychose et Sous le sable, références certes bien disparates... Dépassant le genre de la chronique familiale, le cinéaste propose une radioscopie des tensions sociales liées aux mœurs, tout en filmant un huis-clos étouffant, au scénario magistral. Une grande réussite !
roger w 1er mars 2010
À propos d’Elly - Asghar Farhadi - critique
Subtile métaphore sur l’emprisonnement des femmes et l’oppression du pouvoir sur une société muselée, ce film iranien parvient à dire beaucoup de choses grâce à une histoire en apparence anodine. Le cinéaste signe quelques belles scènes stressantes et s’y entend pour créer une atmosphère lourde et plombante. Etouffant, mais salutaire.
Frédéric Mignard 15 août 2011
À propos d’Elly - Asghar Farhadi - critique
Un thriller captivant, doublé d’une introspection pertinente sur l’identité de la femme dans la société iranienne. On en ressort secoué.