A cinq heures de l’après-midi - la critique

Prix du Jury au Festival de Cannes 2003, le nouveau film de la réalisatrice de La pomme et du Tableau noir est un véritable hommage à l’Afghanistan, à la fois sombre et lumineux.

L’argument : A cinq heures de l’après-midi, après la chute du régime taliban en Afghanistan, une jeune fille tente de profiter de cette nouvelle liberté pour s’épanouir socialement et devenir Présidente de la République.

Notre avis : A cinq heures de l’après-midi s’ouvre en donnant d’emblée les clés de ses mystères. Une famille s’éreintant sur une route aride, ne semblant ni avancer ni reculer malgré ses déplacements, est bercée par le chant d’un poème. A cinq heures de l’après-midi. C’est l’heure où le soleil décline, où la mélancolie envahit tout, où les événements semblent prendre fin. Une heure comme celle que vit aujourd’hui l’Afghanistan. Mais dans ce film, l’Afghanistan est d’abord le pays de Noqreh, avant d’être un pays de misère ruiné par les Talibans. La jeune femme, qui souhaite devenir un jour la première femme président de la République afghane, doit se cacher de son père pour aller étudier, celui-ci considérant, comme tant d’autres dans ce pays, que les études ne sont pas faites pour les femmes.

Chaque matin, la charrette du père longe les routes poussiéreuses du pays pensant conduire sa fille à la mosquée, au rendez-vous coranique. Noqreh passe donc tous les matin une heure à bord de cette charrette, voilée de son tchadri, à chanter les versets du Coran pour faire illusion. Mais une fois arrivée à destination, elle enfile, telle l’héroïne du magicien d’Oz, des escarpins d’un blanc étincelant pour rejoindre l’école des filles. Elles sont deux à vouloir entrer en politique, pour le bien de l’Afghanistan. Mais les autres, quoi que studieuses, pensent comme bon nombre d’Afghans que la place d’une femme, d’une mère, d’une nourricière, n’est pas sur l’agora. Pourtant Noqreh ne se décourage pas. Le soir, elle loge les démunis de la ville dans des ruines somptueusement délabrées, soigne sa belle-sœur pleurant la disparition du mari, et cherche à nourrir le fils de celle-ci, son neveu, chaque jour plus meurtri par le froid ambiant. Le jour, elle étudie puis revient des cours sur le vélo d’un poète qui se prend d’amitié pour elle et lui apprend des vers... "A cinq heures de l’après-midi".
Les couleurs, les silences éloquents, et les chants sombres et chauds emplissent l’image desséchée que la caméra renvoie de l’Afghanistan. La misère est partout. Les épisodes tous plus tragiques les uns que les autres se succèdent. Mais heureusement, il reste la poésie.