Pio et ses frères
Le 28 septembre 2017
Renouvelant le dispositif de son premier long métrage, Jonas Carpignano réalise un beau drame semi-documentaire, mêlant tradition néoréaliste et efficacité narrative.
- Réalisateur : Jonas Carpignano
- Acteurs : Koudous Seihon, Pio Amato
- Genre : Drame
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h58mn
- Date de sortie : 27 septembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Résumé : Pio a quatorze ans et veut grandir vite. Comme son grand frère Cosimo, il boit, fume et apprend l’art des petites arnaques de la rue. Et le jour où Cosimo n’est plus en mesure de veiller sur la famille, Pio va devoir prendre sa place. Mais ce rôle trop lourd pour lui va vite le dépasser et le mettre face à un choix déchirant.
Critique : Jonas Carpignano avait été révélé à la Semaine de la Critique 2015 avec Mediterranea, qui peut être rétrospectivement considéré comme le premier volet d’A Ciambra. En effet, le cinéaste a repris contact avec les protagonistes non professionnels de Mediterranea, dont le jeune Pio et sa famille, ainsi que le Burkinabé Koudous Seihon dans le rôle de l’ami africain du jeune garçon. A Ciambra était aussi, par ailleurs, le titre d’un court métrage qu’il avait réalisé avec la même équipe il y a quelques années. Précisons qu’A Ciambra peut être vu indépendamment des précédents opus. Si Mediterranea se présentait comme une suite de saynètes semi-documentaires sur l’exil et la situation des immigrés africains en Calabre, A Ciambra en reprend le dispositif et la trame naturalistes, enrichis toutefois d’une tension dramatique et policière nouvelle dans l’œuvre du réalisateur. Ce dernier a en outre accordé une place centrale à l’enfant et ses proches, faisant d’Ayiva une figure secondaire (bien que cruciale) de l’intrigue. Cette inversion dans le temps de présence à l’écran et dans le poids des personnages contribue à la subtilité du film pour qui aura vu et apprécié Mediterranea.
- Copyright Haut et Court
Les spectateurs découvrant le cinéma de Jonas Carpignano seront époustouflés par le naturel et la spontanéité du jeune Pio Amato dont le jeu crève l’écran, et qui incarne plus ou moins son propre rôle d’enfant gitan livré à lui-même. Le plus étonnant est que sa mère, ses frères, son grand-père ou ses neveux lui donnent la réplique avec l’aisance de véritables professionnels : là n’est pas le moindre mérite du cinéaste qui a su trouver une osmose avec cette micro-communauté, au point d’offrir aux habitants et à cette famille une véritable complicité avec la caméra, et une aptitude à se donner la réplique à l’écran similaire à leurs échanges dans la vie réelle. Le récit en lui-même paraîtra pourtant peu novateur : ce parcours déterministe d’un jeune ado qui s’enfonce dans le cercle vicieux de la pauvreté et de la délinquance fait écho à nombre d’œuvres du néoréalisme italien et ses prolongements, du Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica à Gomorra de Matteo Garrone, en passant par Les Enfants volés de Gianni Amelio.
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Et comparativement à Mediterranea, A Ciambra gagne en efficacité ce qu’il perd en charme expérimental. Ces réserves ne doivent pas masquer les autres qualités du film, dont un sens du rythme et un montage saisissant, ainsi qu’une intelligence dans son traitement du multiculturalisme en Italie. À ce propos, Jonas Carpignano a déclaré dans le dossier de presse. « Je crois fondamentalement qu’en dehors des contraintes politiques, économiques et nationales qui peuvent être imposées, le fait d’être confronté à des éléments extérieurs (personnes, cuisines ou musiques…) est la seule façon d’abattre les frontières artificielles qui nous séparent ». La réussite d’A Ciambra y contribue. Signalons enfin que le film, dont le producteur exécutif n’est autre que Martin Scorsese himself, représente l’Italie dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.
– Quinzaine des Réalisateurs 2017 : Label Cinema Europa
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