Le 17 avril 2022
Dans un récit tout autant haletant que familial, Jonas Carpignano dissèque avec précision le fonctionnement d’une famille mafieuse à travers les yeux d’une adolescente de seize ans. On ressort du film avec un regard neuf et original sur le fonctionnement des familles italiennes en prise avec la justice de leur pays.
- Réalisateur : Jonas Carpignano
- Acteurs : Swamy Rotolo, Claudio Rotolo, Grecia Rotolo, Carmela Fumo
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Drame social
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 2h01mn
- Date de sortie : 13 avril 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : Chiara, seize ans, vit dans une petite ville de Calabre, entourée de toute sa famille. Pour les dix-huit ans de sa sœur, une grande fête est organisée et tout le clan se réunit. Le lendemain, Claudio, son père, part sans laisser de traces. Elle décide alors de mener l’enquête pour le retrouver. Mais plus elle s’approche de la vérité qui entoure le mystère de cette disparition, plus son propre destin se dessine.
Critique : Chiara a seize ans. Elle pourrait être une adolescente comme une autre, sinon que son père trempe dans des affaires sordides qui se passent en famille. Clairement, Jonas Carpignano dresse le portrait d’une famille mafieuse aujourd’hui. Pour autant, il choisit d’adopter le point de vue de cette gamine, ce qui change considérablement l’image de ce fonctionnement délinquant auquel le cinéma italien nous avait habitués jusqu’alors. Car pendant près de deux heures, la jeune fille lutte entre son désir d’appartenance, son désir de s’extraire de cette violence et son besoin de comprendre qui sont ses parents. Elle hésite entre colère, douleur, mais ne cède jamais ni à l’abattement et ni à l’angélisme. Elle enquête de façon lucide et déterminée sur les activités de son père qui, d’ailleurs, disparaît très vite du domicile familial.
- Copyright Haut et Court
A Chiara constitue un film autant policier que social. Le rythme est porté par l’adolescente qui se débat pour obtenir la vérité sur son père. Elle se met souvent en danger, découvre les cachettes où il aurait pu se terrer, et se rend peu à peu compte de la réalité de ses activités délictueuses. Pour autant, le récit se veut aussi social. Il appréhende la manière dont les enfants et les femmes se retrouvent malgré eux dans un système pervers qui les empêche d’échapper à leurs conditions. La jeune fille est prise entre son envie de mener une existence normale, et l’affection qui la lie à ses proches. D’ailleurs, le réalisateur ouvre son film sur une séquence très longue des dix-huit ans de sa sœur aînée, pour mieux marquer l’écartèlement affectif et moral dans lequel elle est embringuée. Il en profite pour dénoncer un système patriarcal puissant où les femmes se retrouvent contraintes par le mensonge et l’indispensable loyauté qui les lient à leurs époux. On pense évidemment aux discours populistes qui hantent la campagne présidentielle, stigmatisant certaines familles musulmanes, alors qu’ici, les femmes, même si elles ne portent pas de voile, sont étouffées par la soumission et la désespérance de leur condition.
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Pour une fois, le film échappe aux poncifs déjà bien connus au cinéma de la mafia toute-puissante et assoiffée de meurtres. Le regard de Jonas Carpignano se veut sociologique. Il analyse l’impossibilité pour les enfants, et notamment les filles, de s’extraire de la domination masculine et de ce modèle de délinquance puissant. En même temps, il désacralise totalement la vision que nous pourrions avoir de ce type d’organisation familiale. L’autorité judiciaire fait ce qu’elle peut face à ces corpuscules familiaux pour protéger les mineurs et les épouses. Le réalisateur évite soigneusement de condamner ses personnages. On regrettera toutefois un usage trop important des ralentis qui fragilisent la narration. En effet, le cinéaste en rajoute dans les jeux d’image, ce qui nuit à la complexité du récit et assèche la force de l’histoire.
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A Chiara est aussi passionnant que victime de ses effets visuels. On aurait préféré une mise en scène plus dépouillée. Dans tous les cas, la jeune comédienne Swamy Rotolo est absolument magnifique dans ce rôle d’adolescente portée par le désir de liberté.
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