Le 21 juin 2016
Grand Prix 2015 à Deauville, 99 Homes méritait davantage qu’une banale sortie VOD. Séance de rattrapage grâce à son arrivée en format Blu-Ray.
- Réalisateur : Ramin Bahrani
- Acteurs : Laura Dern, Michael Shannon, Andrew Garfield
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 01h47mn
- Date de sortie : 18 mars 2016
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Année de production : 2014
Sortie Blu-Ray : le 25 Mai 2016
Résumé : Rick Carver, homme d’affaires à la fois impitoyable et charismatique, fait fortune dans la saisie de biens immobiliers. Lorsqu’il met à la porte Dennis Nash, père célibataire vivant avec sa mère et son fils, Rick lui propose un marché. Pour récupérer sa maison, il devra à son tour expulser des familles entières de chez elles.
Le film : Qu’importe le classicisme échevelé de 99 Homes, sa structure en miroir convexe et son soleil de plomb aussi noir que la nuit en font une œuvre des plus habiles. La crise des subprimes et les maladresses de l’administration états-unienne apparaissent comme le vecteur d’un monde où les opprimés deviennent à leur tour charognards en un épineux syndrome de Stockholm. Via un glissement pervers et insidieux, Ramin Bahrani met ainsi en scène l’inexorable mutation de Dennis, expulsé de sa maison manu militari, en despote malgré lui. Comme si cette société véreuse et vénale, non contente de vampiriser les plus démunis, transformait peu à peu par capillarité ces derniers en sbires à sa solde. Il y a dans ce dispositif quelque chose de L’invasion des profanateurs de sépultures, comme si des cosses impassibles remplaçaient l’humanité - l’archétype de ce degré zéro de sensibilité n’étant autre que Rick, post-humain jadis vendeur pour qui même l’économie de la pitié n’est plus qu’un lointain souvenir. Malgré des idées de mise en scène rarement originales hormis quelques plans séquences fastueux et l’allégorie de Dennis emporté par le Déluge, 99 Homes dresse une critique plutôt fine de l’Amérique. En cyborg déshumanisé (mais paradoxalement curieux de jeter un œil sur le sac mortuaire sortant de la maison), Michael Shannon rivalise d’ingéniosité. À noter enfin le motif de la mappemonde en amorce et en clôture de métrage, symbole d’une Amérique sens dessus dessous.
La critique : ICI
– Outre la bande annonce du film, une scène coupée est au programme. Celle-ci se déroule au sortir de la vaste demeure du propriétaire à la Porsche expulsé, M. Helster. L’occasion pour Rick de démontrer que les plus nantis, malgré leurs prêts non remboursés, parviennent à s’en sortir indemnes financièrement grâce à un avocat. À noter que ce dernier permet d’empêcher l’expulsion pendant trois ans.
– Ni toits ni lois, entretien avec Ramin Bahrani et Michael Shannon
Ramin Bahradi raconte la genèse de 99 Homes, notamment sa venue en Floride afin d’y effectuer de longues recherches sur la crise du logement. Celle-ci a été particulièrement virulente en Californie, dans le Nevada, en Arizona et en Floride. Le cinéaste s’aperçoit alors que certains professionnels de l’immobilier portent sur eux en permanence une arme. Tandis que les faits de corruption, les manipulations et les escroqueries sont légions. C’est là qu’il réalise que 99 Homes ne sera pas seulement un film social, mais aussi un thriller. L’histoire adopte la thématique archétypale du pacte avec le diable que l’on connaît déjà dans la littérature et le cinéma, à la différence que le monde dont il est question nous est inconnu cette fois. Bahrani souligne avoir choisi la Floride pour sa lumière solaire écrasante, complètement à l’opposé de la noirceur et de l’atmosphère dépressive à laquelle l’on pourrait s’attendre. À propos du plan séquence inaugural de trois minutes, le cinéaste indique que le sac mortuaire devait servir à jeter une ombre sur tout le reste du film. Une manière d’introduire aussi la trajectoire sombre de Dennis.
Michael Shannon, de même que Bahrani sont en un sens sceptiques quant à la culpabilité de Rick. "Quelqu’un doit faire le travail du bourreau quand l’État et la société autorisent les exécutions", indique avec sagacité le réalisateur. Pour Shannon, c’est surtout à la fin du film que les affaires de Rick deviennent le plus intolérables : c’est cette scène où il tente de conclure un gros contrat avec la compagnie d’investissement. Depuis l’habitacle de l’hélicoptère survolant les innombrables maisons, ce dernier "perd le sens des choses". Bahrani note aussi qu’en dehors du fait que Rick perçoive Dennis comme un manuel doté de leadership, le fait qu’il le choisisse en tant qu’élève tient plus d’un processus inconscient. Et pour cause, le fait de trouver une personne qui endosserait son propre rôle lui permet de se déculpabiliser...
L’image :
Tout 99 Homes repose sur l’oxymore qu’est cette lumière solaire magnifique et rassurante, mais dissimulant pourtant quelque chose de diabolique. Afin d’étayer cette lecture, la colorimétrie chaude et les rayons de lumière hypnotiques ont tendance faire basculer les protagonistes dans une ombre à contre-jour. Les peaux réfractent le soleil rougeoyant, tandis que les corps sont absorbés par ce dernier. Or, jamais la copie Blu-Ray - exemplaire - n’échoue à filer cette rhétorique d’un plan à l’autre.
Le son :
Musique, atmosphère, dialogues... tout est idéalement retranscrit sur cette version Blu-Ray de 99 Homes. Reste cependant un avantage évident pour les possesseurs de kit son 5.1 : le DTS-HD ressort nettement plus clair et égalisé que sur un 2.1 classique.
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