Le 10 mars 2015
Bent Hamer signe un joli film, chronique douce-amère d’une transformation, porté par une comédienne remarquable.
- Réalisateur : Bent Hamer
- Acteurs : Didier Flamand, Dinara Droukarova, Laurent Stocker, Ane Dahl Torp, Peter Hudson
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand, Norvégien
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 11 mars 2015
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Bent Hamer signe un joli film, chronique douce-amère d’une transformation, porté par une comédienne remarquable.
L’argument : Lorsque Marie, une scientifique norvégienne, assiste à un séminaire sur le poids réel du kilo à Paris, c’est son propre étalon de la déception, du chagrin, et surtout de l’amour, qui se retrouve sur la balance.
Notre avis : 1001 grammes rappelle dans son principe La Constante de Zanussi : l’opposition entre un monde scientifique cohérent et la vie imprévisible sert de base dans les deux cas à un scénario fondé sur un trajet personnel. Ici, c’est Marie que l’on suit avec sa vie monotone, ponctuée de fondus au noir qui séparent des journées répétitives. Entre son travail et son ex qui vient chercher ses affaires au compte-goutte, il n’y a de place que pour des soirées solitaires, dans lesquelles le vin et la cigarette tiennent lieu de repas. Son monde est étriqué, à l’image de ce couloir étroit, digne de Tati, où elle va fumer. Ce que nous montre toute la première partie du film, c’est un espace inadapté, trop grand ou trop petit, avec des cadrages qui la mettent toujours à part. Il s’agit d’un espace froid, aseptisé, dans lequel dominent le blanc et le bleu. Cela donne quelques trouvailles visuelles : on pense encore à Tati en voyant le défilé de scientifiques abrités par des parapluies bleus ou ce plan étrange dans lequel elle est masquée par un globe. Marie arpente, à pied ou dans sa voiture électrique (bleue, elle aussi), cet univers clos et étouffant, dominé par des questions fondamentales (faut-il laver le kilo ou pas ?) et la volonté de restreindre le hasard : elle travaille entre autres sur les boules de loto. Tout doit y être exact et précis afin d’obtenir la certification.
Mais la vie ne se plie pas à cet ordonnancement : son père meurt, elle va à Paris, a un accident. De ces hasards apparemment insensés naît une autre existence, débarrassée de l’obsession des chiffres, dans laquelle le poids des cendres ne fait pas un kilo, mais 1001 grammes. Au moment de cette pesée Marie sourit. Elle quitte alors son visage fermé et les bords du cadre, pour conquérir une place centrale : voir ce beau plan symétrique dans les jardins de l’institut. De même elle quitte le bleu pour découvrir les couleurs chaudes, le silence pour le dialogue, la rigueur scientifique pour la plaisanterie graveleuse. Au fond son parcours est celui d’un apprentissage de l’humanité, à l’image de celui qu’a déjà fait Pi (abréviation de Pilate), qui, de chercheur, est devenu jardinier. Quand il l’emmène écouter des oiseaux, elle rit de sa chute et son beau visage se débarrasse de l’absence d’expression qui le caractérisait. À l’image du chant des chardonnerets, elle se transforme et sa mue la fait rencontrer le concret : la terre, l’eau du bain, c’est à dire l’essence des choses, et non plus du quantifiable.
© Les Films du Losange
Le scénario est mince, mais rigoureux sans être fermé : si les échos et les parallèles se multiplient (le foin, les douaniers, par exemple), tout ne sera pas expliqué ; ainsi, on ne saura pas si c’est bien Gunnar qui repeint la Tour Eiffel. Construit sur des détails signifiants, peut-être même un peu trop, il retrace linéairement le parcours de l’héroïne. Bent Hamer s’empare de ce matériau d’une manière étrange ; il crée un monde doux dans lequel les gens sont patients, parlent bas, il observe des ridicules sans insister (la précision du kilo peut-elle éviter la guerre ?) ; il trouve un ton bien particulier, touchant et mélancolique, reflet d’une existence banale mais exemplaire. Certes les dialogues ne sont pas exempts de lourdeur pour signifier la métaphore : les nombreuses phrases qui jouent sur l’idée de pesée (« Le plus lourd fardeau de la vie, c’est de ne rien avoir à porter », il est temps de « mettre sa vie en balance », etc.) n’allègent pas le film. Mais, à l’image de sa mélodie entêtante, 1001 grammes a le charme de ces chroniques douces-amères, ni comiques ni dramatiques, mais profondément humaines et sensibles.
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