Critique : Vous pouvez y jouer : compter, sur cent, les femmes de ce corpus que vous connaissiez avant de lire 100 grands films de réalisatrices. Avant que la honte ne vous fasse dire que vous n’y connaissez vraiment rien en cinéma, halte ! Il est malheureusement bien normal qu’une part importante des cinéastes présentes dans ce livre ne vous disent rien. Même si vous parvenez à en citer la moitié, pensez au nombre d’hommes que vous auriez connu dans un ouvrage mettant en scène les cinéastes masculins. Il y a fort à parier que le chiffre aurait été singulièrement plus élevé. Quel malheur !

La réaction évidente à la lecture du livre est de se demander comment on a pu passer à côté de femmes aussi influentes, que ce soit dans l’invention de techniques de réalisation, ou en matière de structuration de l’industrie. Comment on a pu, collectivement, oublier des films a priori majeurs, pourtant si difficile à trouver encore de nos jours !

Depuis quelques années, un mouvement semble s’être amorcé. Ainsi, Alice Guy, pionnière du cinéma par son inventivité et sa combattivité, a donné son nom à un prix d’importance en France : le Prix Alice-Guy, qui récompense le meilleur film français réalisé par une femme sur l’année écoulée, crée par… Véronique Le Bris. Pourtant, son ouvrage prouve que le chemin reste immense : même chez les cinéastes femmes reconnues, combien de leurs films connaissent les joies d’une édition DVD ? Il est alarmant de constater que les œuvres de Jacqueline Audry, pour qui le terme « réalisatrice » fut inventé, ou celes d’Ida Lupino, seule cinéaste femme à Hollywood dans les années 50, sont difficiles à trouver. Pour les films les plus connus, l’affaire est relativement simple, mais reconstituer l’ensemble de leur production est parfois impossible.

On est alors particulièrement satisfait de cette mise en avant, dans une édition très élégante à la mise en page aussi claire que ludique. L’ouvrage se lit aussi bien d’une traite que film par film. Relativement complet sur les créations qu’il aborde, il évite les trop nombreux détails, tout en fournissant l’essentiel. Il permet aussi d’appréhender le cinéma dans toute sa diversité. En effet, si l’attention se porte majoritairement sur la France et les Etats-Unis, aucun continent n’est oublié. Surtout, l’ouvrage permet de toujours recontextualiser le travail de ces cinéastes dans leur époque. Avec perspective et justesse, grâce à une construction chronologique, il reconfigure l’Histoire du cinéma en réintroduisant les femmes dans celle-ci. Elles ne l’avaient pourtant jamais quittée.