Le 7 mars 2023
Adapté du roman éponyme de Miriam Toews, Women Talking ne saurait être réduit à un décalque prosaïque du film de procès. Sarah Polley va plus loin et compose, par-delà son réquisitoire contre la violence sexuelle institutionnalisée, un manifeste déchaîné sur l’avènement du matriarcat.
- Réalisateur : Sarah Polley
- Acteurs : Frances McDormand, Judith Ivey, Ben Whishaw, Rooney Mara, Sheila McCarthy, Claire Foy, Jessie Buckley
- Genre : Drame, Film de procès
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 1h45mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 8 mars 2023
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Résumé : Les femmes d’une colonie religieuse isolée luttent pour se réconcilier avec leur foi après une série d’agressions sexuelles.
Critique : Adapté du du roman de Miriam Toews, Women Talking suit durant quelques heures un groupe de femmes mennonites dans une colonie religieuse isolée se rassemblant pour lutter et concilier leur foi avec une série d’agressions sexuelles commises par les hommes de la colonie. Ce n’est qu’une question de temps avant que la caution des hommes ne soit payée et elles doivent coûte que coûte se décider entre subsister au sein de la communauté et se battre ou quitter leur foyer de toujours pour un nouveau départ. Elles ont quarante-huit heures devant elles pour arriver à une décision qui changera à tout jamais leur vie et celle de leurs enfants. Les femmes se retrouvent donc barricadées dans une grange pour se protéger d’une menace indicible qui ne cesse de les harceler de toutes parts. Le film se mue alors en quasi-huis clos psychologique, exacerbant les personnalités, les affinités et les rivalités de chacune de ces femmes qui refusent d’être considérées comme martyrs mais au contraire comme précurseurs d’un ordre social nouveau : le matriarcat. Le seul homme qui tient une place importante dans le film est August, joué par Ben Whishaw. Il est l’instituteur de la communauté religieuse et établit le procès-verbal de la réunion, les femmes mennonites ne sachant ni lire ni écrire. Cette transcription écrite semble sacrée pour ces femmes. Comme le dit Salomé, incarnée par Claire Foy, qui emporte littéralement le film dans un mouvement de rage brûlante, ce sont des artefacts précieux à transmettre à celles qui viendront après elles, alors même qu’elles ne trouvaient pas de mots pour figurer leur traumatisme, après les dizaines de générations précédentes réduites au silence.
- © 2022 Orion Releasing LLC. All Rights Reserved.
Elles savent toutes qu’elles sont les victimes de la folie des hommes. Le film s’ouvre sur Ona, interprétée par Rooney Mara : allongée sur un lit ensanglanté, elle semble blessée, sentant sur son corps des mains prédatrices qui étaient là autrefois mais n’y sont plus. Une voix murmure que les femmes de sa colonie se réveillent souvent comme ça. Un fléau s’abat sur la colonie. L’Homme est d’ailleurs traité comme une figure quasi abstraite, un croquemitaine scrutant la colonie dans l’ombre. Le métrage bascule alors dans le pur film de genre, reléguant les hommes au rang de simples silhouettes sans âges ni visages. Ils ne sont plus personnifiés mais montrés comme une entité globale irrassasiable, à la lisière du surnaturel. Nous remarquons que Polley ne nous montre jamais les actes de violence commis par les hommes mais uniquement les traces physiques laissées dans leur sillage comme une cicatrice, un bleu ou le ventre arrondi d’Ona, enceinte. Une page se tourne pour ce petit groupe de femmes qui, il y a quelques heures à peine, vivaient dans le vieux monde où une mère forçait sa fille à pardonner à plusieurs reprises à son mari violent. Le pardon n’a plus lieu d’être à présent. On touche ici au cœur névralgique de Women Talking.
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La question du pardon traverse tout le film comme un mouvement tempétueux. Voir ses femmes imaginer un monde paisible où les sensibilités féminines peuvent ne serait-ce qu’altérer le cortège masculin au détriment des pulsions inconsidérés de ceux-ci, contempler ces femmes désireuses de revendiquer pour elles-mêmes un petit espace dans lequel elles sont autorisées à penser, à exiger la sécurité, à élever correctement leurs jeunes garçons, une "chambre à soi" comme le qualifiait l’écrivaine féministe britannique Virginia Woolf, c’est tout le projet de Sarah Polley. Women Talking laisse le spectateur sur un sentiment d’espoir d’un futur où le matriarcat prendrait les rênes, et peut-être peut-on trouver dans cet exil une forme d’élévation.
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