Phnom Penh Express
Le 22 décembre 2021
Film à la fois poétique et politique, White Building revient, avec une touchante mélancolie, sur les derniers moments d’un bâtiment iconique de Phnom Penh, dont la démolition constitue une métaphore de la mondialisation galopante.
- Réalisateur : Kavich Neang
- Acteurs : Piseth Chhun, Sithan Hout, Sokha Uk, Chinnaro Soem
- Genre : Drame
- Nationalité : Cambodge
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 22 décembre 2021
- Festival : Festival de Venise 2021
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Résumé : Sammang, vingt ans, habite dans un immeuble historique de Phnom Penh. Le départ de son meilleur ami, la maladie de son père et la démolition imminente du bâtiment vont le faire grandir.
- Copyright : Les Films du Losange
Critique : Le Cambodgien Kavich Neang, né en 1987, dédie son premier long-métrage de fiction à un sujet auquel il avait consacré le documentaire Last Time I Saw You Smiling (2019) : la démolition, en 2017, de l’immeuble social du centre de Phnom Penh où il a grandi, une construction moderniste chargée d’histoires appelée white building.
D’abord conçue comme une résidence pour les fonctionnaires du ministère de la Culture, avant d’être vidée par le régime des Khmers rouges (1975-1979), puis de nouveau occupée, au tournant des années 1980, par une communauté de professeurs et d’artistes, dont le père du réalisateur, le monument avait déjà été fixé sur pellicule pour l’éternité avant sa disparition. Le passage à la fiction permet cette fois au cinéaste de montrer les dommages collatéraux que représente celle-ci pour ses habitants, à commencer par Samnang, le jeune homme qu’il a choisi comme héros et qui est pour ainsi dire son double.
- Copyright : Les Films du Losange
Après un long survol aérien au-dessus du la bâtisse, le film accompagne, durant son premier mouvement, un trio d’adolescents qui montent un spectacle de danse hip-hop, écho de la vie culturelle qui animait l’immeuble, et que suit le réalisateur au gré de plans à scooters dans une ambiance néon qui ne sont pas sans rappeler, entre autres, les jeunes du Diamond Island de Davy Chou (2016), le producteur du film.
Le deuxième segment montre ensuite comment la communauté des habitants, dont fait partie la famille du jeune homme, se divise, certaines personnes âgées épuisées par des années de guerre et de dictature renonçant à la résistance à mesure que certains acceptent les offres de dédommagement des promoteurs.
- Copyright : Les Films du Losange
Ainsi, le père de Samnang se bat sur plusieurs fronts : contre les financiers qui veulent remplacer l’immeuble par une zone commerciale, contre la copropriété qui est prête à brader les souvenirs de ses habitants et contre un diabète qui lui gangrène l’orteil, comme la pourriture détruit le bâtiment.
Kavich Neang dénonce ainsi la manière dont le libéralisme s’infiltre partout et corrompt tout, même à la tranquillité de la vieillesse après une vie de labeur, de même que l’humidité infiltre le white building par toutes ses fissures, révélant que les conséquences de la spéculation immobilière peuvent être spirituelles et provoquer un exil intérieur.
- Copyright : Les Films du Losange
Par un jeu réussi entre fiction et documentaire (beaucoup des acteurs sont ainsi non professionnels) qui fait que l’on ne sait parfois pas ce qui est joué ou saisi sur le vif, le film raconte la gentrification qui repousse partout pauvres et classes moyennes, obligés de se réinventer, comme dans la troisième et dernière partie, dans une forme de ruralité.
S’inscrivant dans la continuité de Rithy Panh auprès duquel il a étudié, Kavich Neang contribue à l’émergence d’un nouveau cinéma cambodgien, qui ravive les cendres du passé dans l’espoir de réveiller une nouvelle génération éblouie par les enseignes de la société de consommation. On regrettera seulement que, par ses plans contemplatifs et ses langueurs oniriques, le réalisateur chemine sur des sentiers déjà frayés, notamment par Jia Zhangke, coproducteur du film, et en Asie du Sud-Est par Apitchapong Weerasethakul.
– Sélection Orizzonti de la Mostra de Venise 2021 - Prix du Meilleur Acteur pour Piseth Chhun
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