Sentimental Education
Le 18 février 2020
Long-métrage à la facture classique et à la photographie maîtrisée, Wet Season traite le sujet sensible des amours entre une professeure et son élève, en filmant ses personnages à une juste distance que son titre semblait vouloir abolir.
- Réalisateur : Anthony Chen
- Acteurs : Christopher Lee, Yeo Yann Yann , Koh Jia Ler, Yang Shi Bin
- Genre : Drame
- Nationalité : Singapourien
- Distributeur : Épicentre Films
- Durée : 1h43mn
- Titre original : 热带雨 [Rèdài yǔ]
- Date de sortie : 19 février 2020
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Résumé : Des trombes d’eau s’abattent sur Singapour. C’est la mousson. Ling, professeur de chinois, tente depuis plusieurs années d’avoir un enfant mais son mari est de plus en plus fuyant. Alors que sa vie professionnelle et personnelle se fissure, son rapprochement avec un jeune étudiant va tout bouleverser...
- Copyright : Epicentre Films
Notre avis : Sept ans après avoir reçu la Caméra d’or au Festival de Cannes pour son mélodrame Ilo Ilo, le jeune cinéaste singapourien Anthony Chen revient avec un second film, dans lequel il dirige deux des comédiens avec lesquels il avait remporté ce premier succès et avec une intrigue qui se déploie une nouvelle fois dans le contexte familial. Ainsi, quand dans Ilo Ilo, une nounou philippine occupait une place particulière auprès d’un garçonnet mal aimé, dans Wet Season, une femme d’origine malaisienne en mal d’enfant fait la rencontre d’un élève dont les parents, souvent en déplacement, ne s’occupent guère. Un rapprochement d’autant plus troublant que, dans le premier film, les deux acteurs interprétaient un fils et sa mère.
- Copyright : Epicentre Films
Wet Season est avant tout le portrait d’une femme immigrée écrasée par une société singapourienne entièrement dévouée à la rentabilité et minée par les non-dits, une héroïne du quotidien qui sacrifie son existence pour les autres, sans jamais être reconnue de personne. Ainsi, cette quadragénaire, qui doit s’occuper de son beau-père paralytique et aphasique, est également, dans un lycée privé de garçons, professeur de mandarin, une discipline dénigrée, alors que la population est majoritairement chinoise, au profit de l’anglais, la langue des affaires. Et, alors qu’elle pense pouvoir retrouver une place en devenant mère, elle ne parvient pas, malgré les douloureuses injections qu’elle s’inflige, à tomber enceinte, d’autant que son mari, lassé par les tentatives infructueuses, la délaisse pour une autre. Tant et si bien que, tandis que son mariage sombre et que le ciel est noyé sous la mousson, elle se rapproche d’un de ses élèves, passionné par les arts martiaux à qui elle donne des cours particuliers…
- Copyright : Epicentre Films
Dès lors, en effet, que s’abat la saison des pluies, tous les liens se brouillent, qu’ils soient familiaux, amoureux et professionnels. Ainsi, dans une salle de classe, les deux personnages partagent un durian, un fruit typique l’Asie du Sud-Est, si malodorant qu’il est interdit dans les transports publics, une manière de fruit défendu dont on comprend sans peine qu’il symbolise la transgression. Déjà, en 1971, dans Mourir d’aimer, André Cayatte s’était inspiré de l’affaire Gabrielle Russier, inculpée pour détournement de mineur et qui avait fini par se suicider, afin d’aborder le délicat sujet des relations entre une professeure et son élève. C’est pourtant davantage à La Beauté des choses, l’inédit de Bo Widerberg sorti il y a peu par un hasard de calendrier, que le film d’Anthony Chen fait écho : dans les deux longs-métrages, un lycéen à part noue une relation « inappropriée » avec une enseignante délaissée par son époux, alors qu’à l’extérieur le monde est sens dessus dessous. Mais alors que le film suédois adopte le point de vue de l’adolescent, c’est celui de l’enseignante que nous propose d’épouser Chen, d’autant que, contre toute attente, c’est la jeune femme qui subit la fougue d’un élève convaincu de vivre sa première histoire d’amour.
- Copyright : Epicentre Films
C’est sans doute la raison pour laquelle, plutôt que de verser dans l’érotisme, le réalisateur singapourien préfère laisser pudiquement la place aux silences, ne laissant entendre, afin de suggérer délicatement l’émotion, aucune autre musique que le bruit de l’eau qui tombe du ciel : la caméra observe ainsi, avec retenue et en restant toujours derrière un rideau de pluie, la confusion des sentiments qui s’instaure entre ses deux personnages - Anthony Chen reconnaît d’ailleurs s’être inspiré des toiles intimistes du peintre danois Vilhelm Hammershøi, qui ménagent au spectateur l’espace nécessaire à l’interprétation. Nulle scène torride donc, mais une succession de moments intimes, dans l’habitacle d’une voiture ou dans un intérieur bourgeois, qui décrivent l’irréversible dérive de vies en apparence sans histoires.
Test DVD/Bluray
Épicentre Films nous gratifie d’une édition DVD aussi sobre que le film d’Anthony Chen : sans s’encombrer d’une version française qui n’aurait rien apporté au long-métrage, le disque propose une image ainsi qu’un son de qualité, et juste ce qu’il faut de suppléments - la rencontre d’une demi-heure avec le réalisateur est, à ce titre, à la fois très personnelle et très éclairante - Sortie le 22 septembre 2020
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