Le 23 avril 2024
Récit de reconstruction personnelle après un traumatisme, récit de renaissance amicale, L’échappée est juste un petit joyau de sincérité et d’émotion.
- Réalisateur : Anthony Chen
- Acteurs : Alia Shawkat, Cynthia Erivo, Honor Swinton-Byrne, Ibrahima Ba
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Américain, Britannique, Français, Grec
- Distributeur : Épicentre Films
- Durée : 1h35mn
- Titre original : Drift
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 24 avril 2024
- Festival : Festival de Sundance 2023
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Résumé : Sur les plages paradisiaques d’une île grecque, personne ne remarque Jacqueline. Personne sauf Callie, une guide touristique américaine. Leur amitié naissante pourrait guérir Jacqueline d’un traumatisme enfoui et lui permettre d’affronter les fantômes de son passé.
Critique : Elle semble vide, son regard est hanté, elle traîne sur la plage, dans les rues, avec une sorte de peur qui l’étreint en permanence. Est-elle malade ? Est-elle une de ces migrantes de plus abandonnée sur les côtes grecques ? Jacqueline est surtout une femme qui a été riche, heureuse, et qui aujourd’hui dort dans un creux de rochers contre la mer, parvient à peine à se nourrir et dépérit doucement. Pour survivre, elle masse les pieds des touristes qui hument le soleil, quand elle n’est pas happée par des images terribles du passé. Tout la ramène à cet enfer, cette horreur indescriptibles, qui sont le quotidien de tous ces nombreux réfugiés politiques à travers le monde, à jamais brisés par des souvenirs de guerre.
Anthony Chen, le brillant réalisateur de Un hiver à Yanji, s’engage dans un récit totalement différent. Certes, on retrouve les thèmes de l’amitié très forte, de la course à travers le vide, ou du passage des frontières, mais le sujet est à la fois plus grave et plus lumineux. Le jeune cinéaste confirme un talent de mise en scène, avec une maturité nouvelle qui lui permet d’aborder, sans fard, la brutalité d’un traumatisme de guerre et les ravages qu’il génère chez une femme. Le film ne cherche pas à défendre un quelconque plaidoyer en faveur de la migration. L’œuvre puise sa force dans ce duo magnifique que forment Jacqueline et cette guide grecque, aussi désinvolte qu’attachante. Toutes les deux promènent leur douleur, à bas bruit, cherchant à trouver un sens dans l’existence.
- © 2023 Paradise City Films. Tous droits réservés.
L’échappée n’est surtout pas un mélodrame sirupeux et démagogique. Chen offre sur l’écran deux portraits de femmes, toutes deux baignées d’un certain mystère. La révélation du traumatisme affleure rapidement sur l’écran. L’enjeu n’est pas de montrer la haine, la cruauté ou le viol. Mais de décrire comment les souvenirs peuvent paralyser une femme dans ce qui fonde son humanité et son intégrité physique et psychologique. Les mots sont rares. Le récit met en lumière l’inimaginable, et par là-même rend honneur à toutes ces personnes qui ont fui l’horreur de la persécution pour sauver leur famille. Ainsi, le long-métrage semble d’une brûlante actualité, dans un contexte politique où les positionnements se radicalisent et la peur de l’autre prend le pas sur la solidarité. Justement, Anthony Chen refuse un traitement social du sujet. Il scrute une femme, dans l’étendue de ce qu’elle a été et de ce qu’elle est devenue. Nul besoin de décrire la complexité pour faire valoir la légitimité de la demande d’asile ou le manque de places d’hébergement. La véritable vérité réside sur le visage de cette femme, naguère riche, épanouie et heureuse, détruite par l’épouvante de la guerre.
La narration donne aussi une part belle au deuxième personnage, Callie, auprès de laquelle Jacqueline va peu à peu trouver un reposoir et un exutoire à son désarroi. Le film fait alors preuve de beaucoup de dignité, rappelant à la manière d’Un hiver à Yanji la force des relations humaines et de l’amitié. On ne sort absolument pas anéanti par ce drame. Au contraire, le spectateur quitte la salle avec le sentiment que la réparation est toujours possible et que de belles âmes existent partout sur terre. À ce sentiment s’ajoute aussi l’émotion de beau plans, avec un sens de la lumière et du cadrage très précis.
- © 2023 Paradise City Films. Tous droits réservés.
L’échappée apparaît comme un film d’une immense humanité. À l’heure où les Européens hésitent à fermer les frontières, le long-métrage rappelle la puissance de l’amour, seul levier possible pour réparer le pire dans le monde. Le propos est tout sauf naïf. Le film est beau, tout simplement beau.
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