Deux femmes puissantes
Le 8 septembre 2016
Ce récit d’un traumatisme de guerre vaut par la finesse son étude psychologique, son climat oppressant et la justesse de son interprétation.
- Réalisateurs : Delphine Coulin - Muriel Coulin
- Acteurs : Ariane Labed, Soko, Karim Leklou, Andreas Konstantinou, Alexis Manenti
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 7 septembre 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Deux jeunes militaires, Aurore et Marine, reviennent d’Afghanistan. Avec leur section, elles vont passer trois jours à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles, au milieu des touristes en vacances, pour ce que l’armée appelle un sas de décompression, où on va les aider à « oublier la guerre ». Mais on ne se libère pas de la violence si facilement…
Critique : Les sœurs Coulin avaient réalisé 17 filles, un premier film sur des grossesses consécutives dans un groupe d’adolescentes, qui avait partagé la critique. Leur second opus est davantage consensuel et révèle des qualités d’écriture et une démarche nuancée, qui allie lenteur et ellipses, non-dits et analyse psychologique, couvrant ici un thème peu abordé dans le cinéma français. Le traumatisme de guerre a fait l’objet de belles réussites à Hollywood, des Plus belles années de notre vie à Voyage au bout de l’enfer, on peut citer aussi le très beau documentaire Of Men and War. Mais la fiction made in France semble avoir du mal à se frotter au sujet, surtout lorsqu’il est lié à des faits récents. Adapté d’un roman de Delphine Coulin, Voir du pays est certes basé sur un matériau réaliste puisque des stages de fin de guerre sont effectivement organisés par l’Armée française, l’objectif étant un accompagnement psychologique des soldats avant leur retour au pays. Les auteures cernent subtilement l’ambiguïté de ces dernières journées de mission, la bienveillance du ministère de la Défense semblant en même temps faciliter une amnésie de l’horreur militaire, sous couvert d’extérioriser la souffrance dans une psychothérapie de groupe et des entretiens individuels. Ce contraste trouve écho dans l’opposition entre les deux personnages féminins.
- Copyright Jérôme Prébois - Archipel 35
Amies depuis l’enfance, et toutes deux issues d’un milieu modeste en Bretagne, Aurore et Marine ne réagissent pas de la même manière. La première compte bien profiter des heures de plage ou de discothèque proposées en guise de « repos du guerrier », tout en se laissant draguer par un Chypriote local. La seconde révèle ses fêlures, refusant d’évacuer en trois jours ce qu’elle estime être une blessure majeure, et manifestant son mal-être par un air revêche et une agressivité récurrente. D’ailleurs tout le film est marqué par le sens des contrastes. Le cadre même paradisiaque de l’hôtel cinq étoiles, avec ses labyrinthes de piscines et de pistes de danse, révèle une vacuité obscène, compte tenu de ce que ces soldats ont vécu et de la dernière épreuve qu’on leur fait subir. Et la pittoresque escapade dans une guinguette de village, loin de constituer une échappée authentique, sera le moment le plus glauque de leur séjour post-combats. Le film est aussi un portrait de groupe incisif, la solidarité entre ces soldats étant quelque peu malmenée par les rancœurs internes et les dégâts collatéraux de la parole (faussement) libérée.
- Copyright Jérôme Prébois - Archipel 35
Voir du pays est enfin une réflexion saisissante sur le poids des images de guerre, sans reconstitution, mais ayant recours aux images de synthèse : « Plus encore que le livre dont le scénario est tiré, le film nous semble indiqué pour traiter de ces questions, puisqu’il permet de montrer ces différentes sources d’images : simulateur, jeu vidéo, images d’actualité. Le ’’Voir’’ du titre est bien ironique : non seulement Aurore n’a rien vu du pays où elle est allée, mais elle ne ’’voit’’ pas davantage l’essentiel avec les multiples sources d’images qu’on lui propose. Et alors que nos personnages approchent de la vérité de ce qui s’est passé en Afghanistan au cours de leur mission, le film, lui, va de l’ambiance solaire de l’arrivée à une nuit profonde, et à la lumière froide de la fin, comme s’il leur était de plus en plus difficile de voir clair », on déclaré les cinéastes. Ariane Labed (Fidelio, l’odyssée d’Alice), et Soko (Augustine) ont un jeu puissant, et sont bien entourées d’une troupe de jeunes comédiens prometteurs dont Karim Leklou (Les anarchistes), Jérémie Laheurte (La vie d’Adèle) et Damien Bonnard (Rester vertical).
– Festival de Cannes 2016 : Prix du meilleur scénario Un Certain Regard
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.