Le 5 novembre 2022
Comme tous les grands récits, Vivre vite se situe à la jonction de l’intime et de l’universel. L’expérience du deuil s’y trouve renouvelée par une écriture précise, puissamment reliée aux faits, en quête perpétuelle du sens.
- Auteur : Brigitte Giraud
- Editeur : Flammarion
- Genre : Roman autobiographique
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 24 août 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : « J’ai été aimantée par cette double mission impossible. Acheter la maison et retrouver les armes cachées. C’était inespéré et je n’ai pas flairé l’engrenage qui allait faire basculer notre existence. Parce que la maison est au cœur de ce qui a provoqué l’accident. » En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de comprendre ce qui a conduit à l’accident de moto qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces journées qui s’étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu’à produire l’inéluctable. À ce point électrisé par la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était dangereux. Brigitte Giraud mène l’enquête et met en scène la vie de Claude, et la leur, miraculeusement ranimées.
Critique : Vivre vite creuse le sillon du beau récit À présent que Brigitte Giraud avait écrit peu de temps après la mort accidentelle de son compagnon, Claude, en 1999. Mais à plus grande distance de l’événement, délié de son "effet blast", le livre de Giraud investit autrement la mémoire, sur le mode d’une enquête où les signes de la tragédie annoncée s’amoncellent à l’insu des protagonistes. Leur concaténation, induite par une lecture rétrospective des événements, dilue tous les avertissements dans un quotidien foncièrement trompeur, qui mobilise toute l’énergie d’un jeune couple, elle à l’orée d’une carrière littéraire, en plein service de presse pour son second ouvrage, lui, responsable de la discothèque municipale de Lyon, pigiste pour Le Monde, fou de rock et de moto. Un couple de "bobos" -mais on ne le disait pas encore en 1999- qui vient d’acheter une maison à retaper à Caluire-et-Cuire, là où fut arrêté Jean Moulin.
Les titres des chapitres s’égrènent comme une longue litanie de "si" très oulipiens ("si je n’avais pas voulu vendre l’appartement", "si j’avais accepté que notre fils parte en vacances parte avec son frère", "si je n’avais pas changé la place de mon déplacement chez mon éditeur à Paris") qui n’ont pourtant rien d’un exercice de style, puisque, par le pouvoir de la fiction, de sa capacité à recomposer la réalité selon sa propre logique, la mort de Claude semble la conclusion d’une série de situations liguées contre l’idée même du hasard. Brigitte Giraud refait le film, se fait aussi son film et agence les rushs par un montage savant, sonde chaque événement, chaque détail, jusqu’au vertige, dans une obsession du sens qui confine à l’absurde, tente de conjurer le caractère "scandaleux" de cette mort, pour reprendre le terme de Sartre rendant hommage à Camus, cet autre accidenté.
Les événements s’enchaînent et pourtant, à mesure qu’il se rapproche de la seconde ultime, de cet instant où la grosse Honda que Claude n’aurait pas dû chevaucher ce jour-là se cabre par un effet wheeling, le texte ralentit sa course pour retarder le moment du récit fatal.
Vivre vite est porté par une écriture précise, factuelle, assez proche du style d’Annie Ernaux, refusant toute intention pathétique, disséminant l’émotion dans le pli de ses phrases.
208 pages - 20,00€
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