Visitor Q

Satire trash de la société japonaise, Visitor Q se donne des airs d’extra-terrestre. On y atteint des sommets d’humour noir, de mauvais goût et d’imagination sans limite. Ça tombe bien, on adore.

S’inscrivant dans le cadre du projet Love cinema de la compagnie Cinerocket - qui a proposé à six cinéastes de réaliser librement un film en digital vidéo sur le thème de l’amour - Visitor Q brosse le portrait d’une étrange famille japonaise. Le père, journaliste raté, couche avec sa fille qui se prostitue. La mère fait des passes pour se payer ses doses d’héroïne et se fait tabasser par son fils, lui-même brutalisé par ses camarades de classe. Un jour, un inconnu débarque, frappe le père sur la tête et s’installe dans la demeure familiale.

Si vous en doutiez encore, Visitor Q est un film complètement déjanté. La meilleure façon de l’apprécier est de ne surtout pas chercher à comprendre pourquoi et de se laisser emporter par l’humour noir de Takashi Miike. Scènes choquantes (le père couche avec sa fille), interpellation du spectateur (le film s’ouvre sur la question "L’avez-vous déjà fait avec votre père ?") et moments surréalistes (la mère inonde la cuisine en faisant jaillir du lait de ses seins) se succèdent.

Derrière tout cela, on devine aisément une critique de la société japonaise où la prostitution des mineures, l’humiliation au travail et à l’école sont devenues monnaie courante. Les journalistes télé et leur course au sensationnel en prennent aussi pour leur grade (comme l’épisode du reportage qui motive le renvoi du père...). Mais comme rien n’est jamais perdu d’avance, la sainte famille pourra se reconstruire à coups de viol, de meurtre et de nécrophilie. Ouf, la morale est sauve...

On ne peut que se réjouir de l’imagination débordante de Takashi Miike, mais aussi se demander comment ce réalisateur a réussi à convaincre des acteurs de le suivre dans son projet. Apparemment, la distribution n’a pas posé de problème, mais le rôle de la mère, peut-être le plus risqué, n’a pas été confié à une comédienne professionnelle. C’est Shungiku Uchida, mangaka et écrivain renommée, qui l’incarne. Il faut dire que les thèmes développés dans Visitor Q font également partie de son propre univers.

Tout ce film semble n’être qu’un pur délire, certes, mais pas celui de n’importe qui. Takashi Miike, le réalisateur de Audition, est très connu au Japon. Ce touche-à-tout s’est illustré dans tous les genres (science-fiction, satire sociale, film de yakusas...) et a réalisé en une décennie une vingtaine de longs métrages, une trentaine de films destinés au marché vidéo et une bonne vingtaine d’épisodes de séries télé. Non seulement ce monsieur ne chôme pas, mais il réussit la prouesse de créer l’événement à chaque sortie en salle. Visitor Q en est une fois encore la preuve.