Le 3 mars 2014
Après Séraphine, Martin Provost redonne vie à l’auteure Violette Leduc, interprétée par Emmanuelle Devos. Retraçant l’existence tumultueuse de Violette, le film raconte le paradoxe de sa vie, entre folie et réussite littéraire
- Réalisateur : Martin Provost
- Acteurs : Emmanuelle Devos, Olivier Gourmet, Sandrine Kiberlain, Jacques Bonnaffé, Nathalie Richard, Olivier Py, Catherine Hiegel, Stanley Weber
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Diaphana Édition Vidéo
- Durée : 2h12min
- Date de sortie : 6 novembre 2013
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Après Séraphine, Martin Provost redonne vie à l’auteure Violette Leduc, interprétée par Emmanuelle Devos. Retraçant l’existence tumultueuse de Violette, le film raconte le paradoxe de sa vie, entre folie et réussite littéraire. Parmi les rencontres marquantes, celle de Simone de Beauvoir, interprétée par Sandrine Kiberlain, est la plus décisive. Une relation qui les liera jusqu’au bout. Violette met en lumière le génie, la souffrance, la passion qui habitèrent Violette Leduc jusqu’à la fin de sa vie.
L’argument : Après Séraphine, Martin Provost redonne vie à l’auteure Violette Leduc, interprétée par Emmanuelle Devos. Retraçant l’existence tumultueuse de Violette, le film raconte le paradoxe de sa vie, entre folie et réussite littéraire. Parmi les rencontres marquantes, celle de Simone de Beauvoir, interprétée par Sandrine Kiberlain, est la plus décisive. Une relation qui les liera jusqu’au bout. Violette met en lumière le génie, la souffrance, la passion qui habitèrent Violette Leduc jusqu’à la fin de sa vie.
©TS Productions
Notre avis : Le film Violette de Martin Provost, sorti dans les salles le 6 novembre 2013, a connu un beau succès critique mais pas le succès public escompté. Saluons l’édition de ce DVD, qui paraît quatre mois plus tard, et dont on espère qu’il contribuera à ce que ce grand film continue à vivre comme il le mérite. Violette fut tout de même un événement qui a permis la réédition de plusieurs ouvrages de Violette Leduc, ainsi que celles de la biographie de Carlo Jansiti (Grasset) et de l’essai Violette Leduc, éloge de la bâtarde de René de Ceccatty (Stock). À cette occasion, de très beaux articles sont également parus dans la presse, notamment celui de Marine Landrot, « Violette Leduc, une écriture née du manque » (Télérama, novembre 2013). France Culture a consacré pendant plusieurs semaines des lectures, par Catherine Hiegel, de La folie en tête et de la correspondance de Violette Leduc. La sortie du film a de même coïncidé avec le lancement d’une nouvelle version du site www.violetteleduc.net, créé par Mireille Brioude, auteure de l’ouvrage Violette Leduc, la mise en scène du « je » (Rodopi). Le film, présenté avec succès au festival de Toronto en septembre 2013, a par ailleurs reçu le prix du Public au festival Cinémamia de Montréal fin novembre 2013 et est sorti dans les salles de cinéma au Canada.
Il a fallu bien du courage et de la détermination à Martin Provost pour réaliser un film autour de Violette Leduc, écrivaine injustement méconnue de nos jours. Ce film retrace vingt-deux ans (1942-1964) de la vie d’une femme de lettres au talent exceptionnel, et qui devait décéder en 1972. Un parcours émaillé de livres exigeants, audacieux – et dont la prose poétique n’a trouvé que très tard, après plusieurs échecs cuisants, un grand succès public : La Bâtarde, en 1964. Un succès qui d’ailleurs ne fut couronné d’aucun prix, alors que l’œuvre les méritait tous. Certains jurés du Goncourt ou du Femina avaient été effrayés par certaines scènes « malpropres » et les propos « scandaleux » de l’ouvrage. Roland Dorgelès, l’auteur des Croix de bois, ne s’était-il pas écrié, en parlant de La Bâtarde, qu’« on ne pouvait pas mettre ce livre sur une cheminée d’une famille »… ?
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Pour la naissance du film Violette, tout est parti d’un texte magnifique – et inédit – que Violette Leduc a écrit sur l’artiste peintre Séraphine de Senlis. Martin Provost était alors en pleine préparation de son film Séraphine. Séduit par la lecture de ce texte, il songea à mettre en chantier un scénario autour de Violette avec René de Ceccatty, grand spécialiste de l’écrivaine. De scénario en scénario, de lecture en lecture de l’œuvre de Violette, le projet aboutit après trois ans de travail.
Le film commence par une scène où l’on voit Violette Leduc s’affairer au « marché des années noires », en 1942. Elle vit alors depuis quelques mois à la campagne, en Normandie, avec l’écrivain Maurice Sachs. Avant de la quitter pour partir en Allemagne comme travailleur volontaire, Sachs lui conjure d’écrire les souvenirs de son enfance « tordue comme un pommier » plutôt que de « [l]’emmerder ». Ainsi naissent les premières pages de L’Asphyxie dont la première phrase est : « Ma mère ne m’a jamais donné la main ». C’est le manuscrit de ce livre, que Violette parvient à remettre en mains propres à Simone de Beauvoir, qui allait changer son destin… Simone de Beauvoir a tout de suite compris que Violette Leduc était un grand auteur à la sincérité intrépide et qu’elle oserait ce qu’aucune femme écrivaine n’avait osé faire jusque-là : parler de la sexualité féminine, de sujets comme l’avortement, et ceci avec une audace retenue. Les scènes qui mettent en scène les deux écrivaines sont saisissantes de vérité. On voit ainsi Violette, l’élève de S de B (comme elle l’appelait souvent), et qui n’est rien d’autre qu’« un désert qui monologue », devenir son égale avec la parution triomphale de La Bâtarde. On voit aussi par quels « ravages » cette bâtarde est passée pour en arriver là. Elle qui avait fait le « serment de l’impossible » en se lançant dans des amours avec des hommes homosexuels – et bien sûr dans une passion sans retour pour Simone de Beauvoir. « Allongée sur ses cendres », en proie à de somptueux délires, hardie et craintive, désespérée et renaissante, telle est la Violette que Martin Provost met en scène.
Le film s’achève sur un paysage baigné par une envoûtante lumière provençale, celle de la campagne de Faucon, dans le Vaucluse, où Violette a retrouvé la force d’écrire et où est venu la cueillir le succès de La Bâtarde. Superbe plan final où Violette travaille entre deux oliviers et qui renvoie aux mots d’une lettre que lui avait envoyée une femme poète, Thérèse Plantier, en 1957 : « Vous écrivez comme Van Gogh peint. »
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Martin Provost nous offre avec Violette un film rigoureux et raffiné, ne cédant jamais à la facilité. Le regard apaisé du cinéaste convient parfaitement. On pouvait craindre le parti hystérique que d’autres réalisateurs auraient été tentés de prendre avec un tel sujet. Tout est au contraire soigné, minutieux, précis et fidèle, tant à l’œuvre qu’au personnage baroque qu’était Violette Leduc. Martin Provost prend aussi le temps de nous faire entrer dans la relation riche et complexe qui a uni ces deux grandes écrivaines : Simone de Beauvoir et Violette Leduc.
Emmanuelle Devos est une époustouflante Violette qui n’a pas recherché le mimétisme. Certes, elle a accepté de s’enlaidir mais n’a aucunement tenté d’imiter la voix plutôt grave ni le phrasé traînard de Violette. Elle a tout compris du personnage et restitue parfaitement toutes les facettes de cette « petite fille étonnée et vieille fille roublarde », comme l’écrivait Pierre Kyria dans un article hommage de Combat à la mort de Violette. Sandrine Kiberlain est une fabuleuse Simone de Beauvoir, qui a enfilé avec un bonheur évident les habits du « Castor ». On est subjugué par ce « Castor », par sa voix au débit rapide, sa démarche élégante, sa rudesse, sa compassion, sa bienveillance – mais aussi son humanité envers la « femme laide », qu’elle soutiendra matériellement et psychologiquement pendant près de vingt ans.
Les autres acteurs sont également au rendez-vous. La grande Catherine Hiegel campe la mère de Violette, d’allure altière mais pouvant déraper dans une certaine vulgarité, impitoyable avec sa fille mais également aimante. Jacques Bonnaffé est épatant dans le rôle du poète voyou Jean Genet. La relation affectueuse, tumultueuse et complice entre ces deux bâtards de génie : tout y est. L’écrivain canaille Maurice Sachs est joué fiévreusement par Olivier Py : la scène où ce « drôle » fuit « l’emmerdeuse » est merveilleusement pathétique. Étonnante aussi la composition d’Olivier Gourmet, dans le rôle du richissime parfumeur, collectionneur et mécène « radin » Jacques Guérin. Là aussi, Martin Provost n’a pas cherché la ressemblance physique : Olivier Gourmet fait apparaître toute la rigidité, la patience, mais aussi la sensibilité, voire la fragilité, du seul homme que Violette ait aimé.
Martin Provost a réussi son pari – celui de nous avoir rappelé ou convaincus que Violette Leduc est l’une des plus grandes voix de la littérature française du XXe siècle.
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LE DVD
On aurait adoré découvrir Violette en blu-ray, on devra donc se contenter d’un DVD loin d’être imparfait.
Les suppléments :
Outre la bande annonce, ce DVD offre un making of de Violette, un film de 33 minutes réalisé par Jean-Philippe Boisuneau, qui propose des entretiens avec Martin Provost, Emmanuelle Devos, Sandrine Kiberlain, Catherine Hiegel, Olivier Gourmet et le directeur de la photographie, Yves Cape, dont on apprécie le beau travail sur la lumière. Ce dernier évoque sa façon de travailler, en parfaite harmonie avec le réalisateur. Martin Provost, lui, explique comment et pourquoi il s’est investi dans ce beau projet. Il a découvert Violette Leduc grâce à René de Ceccatty qui lui a fait connaître le texte de Violette sur Séraphine de Senlis. Pour le réalisateur, le choix d’Emmanuelle Devos s’est imposé d’emblée. De même que celui de Jacques Bonnaffé pour Jean Genet, « le dur qui adorait voler ». Le choix des autres comédiens a, en revanche, demandé plus de réflexion et de recherche au réalisateur. Il fallait que Sandrine Kiberlain trouve « sa Simone » et Olivier Gourmet « son Jacques Guérin » : il ne s’agissait pas de chercher la ressemblance physique. Emmanuelle Devos nous dit combien Violette était « attachiante ». On comprend à travers ces divers témoignages et le tournage de certaines scènes, combien le travail fut exigeant, parfois difficile, mais toujours exaltant. Les comédiens se sont sentis aimés par Martin Provost. Aimer est d’ailleurs le titre du beau texte d’Elsa Triolet que chante Jeanne Moreau à la fin du film. Violette se serait sans doute également sentie aimée par la petite famille du film. Elle qui a écrit : « Hommes, femmes, enfants, rencontrés tout au long de mon existence, vous serez toujours ma prière en suspens. »
L’image :
Elle est très correcte, peut-être un peu sombre en basse-luminosité, mais avec une belle restitution des textures. Les décors gagnent en profondeur de champ et se rapproche parfois d’un rendu HD. Le travail sur la lumière provençale est tout à fait intéressant aidé par une colorimétrie souvent vive, peut-être un peu trop par moment, au-delà du naturel.
Le son :
Si le score est élégamment rendu par un 5.1 puissant lorsqu’il s’agit des envolées musicales, l’on trouve les voix un peu faibles et les petits bruits qui constituent le film un peu étouffés. La spatialisation (pluie, grillons...) est spartiate, mais présente. Au final, on a entendu des pistes DVD plus abouties, même pour un cinéma intimiste.
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