Les mots s’envolent, les écrits restent
Le 24 février 2013
Archives et fiction se mêlent pour redonner vie et légitimité à la femme cachée de Mussolini.
- Réalisateur : Marco Bellocchio
- Acteurs : Michela Cescon, Giovanna Mezzogiorno, Fabrizio Bentivoglio, Filippo Timi, Fausto Russo Alesi, Corrado Invernizzi, Paolo Pierobon
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h58mn
- Date de sortie : 25 novembre 2009
- Festival : Festival de Cannes 2009
Résumé : Dans la vie de Mussolini, il y a un lourd secret que l’histoire officielle ne raconte pas : une femme, Ida Dalser, et un enfant, Benito Albino, conçu, reconnu puis désavoué. Ida rencontre Mussolini de manière fugace à Trente et en est éblouie. Elle le retrouve à Milan où il est un ardent militant socialiste qui harangue les foules et dirige le quotidien l’Avanti. Ida croit en lui, en ses idées. Pour l’aider à financer le Popolo d’Italia, point de départ du futur parti fasciste,elle vend tous ses biens... Lorsque la guerre éclate, Benito Mussolini s’engage et disparaît de la vie de la jeune maman, qui découvrira avec stupeur qu’il est déjà marié avec une autre femme. Ida n’aura dès lors de cesse de revendiquer sa qualité d’épouse légitime et de mère du fils aîné de Mussolini, mais sera systématiquement éloignée de force et son enfant mis dans un institut. Pourtant, elle ne se rendra jamais et ne cessera de revendiquer haut et fort sa vérité.
Critique : Vincere est un film historique. Pas au sens de l’Histoire avec un grand H, mais au sens de la « petite histoire » ; celle d’un individu mêlé, bien malgré lui, aux tourments de l’Histoire - avec un grand H, cette fois-ci ! Cette évocation donc, est celle de la femme cachée de Mussolini. Il faut comprendre le verbe « cacher » au sens fort : l’homme de pouvoir ne se contentait pas de renier la femme qu’il avait épousé, il est allé jusqu’à la faire interner dans un asile psychiatrique pour ne plus jamais avoir à la rencontrer.
- © Daniele Musso
Vincere est ainsi un film sur le mensonge et le poids des mots - le déni étant le point de non-retour moral et intellectuel. L’héroïne est une force de la nature qui clame sa vérité, la vérité. Elle se fait entendre mais personne ne l’écoute. Le silence de son interlocuteur, dont l’écho sourd la condamne à rester dans l’ombre, la brise et la décrédibilise. Il y a pourtant bien eu des témoins de leur relation et de la naissance de leur enfant (que le chef de l’Etat, après l’avoir reconnu, laissera à un tuteur pour que le garçon ne porte pas son nom !), mais le mutisme réitéré de Mussolini les incite à se taire, à ne pas chercher avec trop d’insistance les preuves de la validité du mariage. Rapidement, Ida ne cherche plus à retrouver l’homme qu’elle a profondément aimé, mais à obtenir de lui une reconnaissance, à exister à ses yeux même si ce n’est qu’administrativement, à défaut d’affectivement.
- © Daniele Musso
Marco Bellochio concentre son intérêt sur cette femme bafouée et, par ce long-métrage, lui redonne vie et dignité (elle et son fils ont été, à leur mort, laissé volontairement dans une fosse commune pour détruire toute preuve de leur existence...). Mussolini, lui, est peu visible à l’écran. Avant la Première Guerre Mondiale, le futur tyran italien est incarné par un acteur (Fillipo Timi) ; à l’image du rôle qu’il tenait avec Ida Dalser : il n’a jamais fait qu’interpréter les personnages qu’il prétendait être, l’amant, le mari, le père. Une fois au pouvoir, des images d’archives prennent le relai. Mussolini ne peut plus être joué, l’Histoire tient son rôle et écrase cette pauvre femme. En ne voyant que peu Mussolini, exposé avec des images d’époque au cœur d’un récit en couleurs, une distanciation se crée avec le personnage et illustre son assise dictatoriale : tout puissant, sans approcher quiconque, il détruit.
- © Daniele Musso
Vincere - « vaincre » en italien - ne joue pas sur les mots, tous ont un sens précis et c’est avec eux que l’héroïne se bat, pour faire reconnaître à Mussolini qu’une parole donnée ne se reprend pas. Mais celui-ci est au théâtre et est un bien piètre acteur, et certainement pas un artiste : les propos tenus n’ont de sens pour lui que sur l’instant, il ne mesure pas leur portée. Le discours de Marco Bellochio est, quant à lui, sans appel : Ida Dalser a bel et bien existé et son souvenir perdure à travers ce long-métrage témoin.
- © Daniele Musso
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Norman06 25 novembre 2009
Vincere - Marco Bellocchio - critique
Dans sa première partie, le film peine à trouver son véritable rythme et souffre des aléas de la grande production historique à costumes en s’apparentant à un feuilleton télévisé de qualité. La seconde partie est d’un plus haut niveau, qui narre la déchéance de Ida (Giovanna Mezzogiorno, qui aurait mérité un prix d’interprétation à Cannes) et son obstination à aller jusqu’au bout de son combat. Bellochio excelle à saisir l’écrasement physique et moral de tout opposant au totalitarisme. Vincere dépasse alors le cadre du simple film politique et historique pour atteindre l’universel.
Frédéric de Vençay 11 décembre 2009
Vincere - Marco Bellocchio - critique
Formidable fresque historique et intime, qui impressionne par ses ambitions et sa démesure. Giovanna Mezzorgiono (LE vrai prix cannois d’interprétation féminine de cette année) porte le film par son interprétation transcendante. La mise en scène de Marco Bellochio, zébrée d’images d’archives glaçantes et de sublimes respirations poétiques (les tableaux de la neige ou du feu), est splendide.