Victime du destin - la critique du film + le test DVD

Notre avis : L’affaire est entendue, Victime du destin ne figure pas parmi les grands westerns de Walsh ; il n’a pas la densité de La charge fantastique ou de La fille du désert. Mais même mineur, ce film comporte assez de qualités pour être un spectacle plus qu’agréable. Certes, la réalité est sans doute arrangée, mais cela importe peu face à la vivacité et l’efficacité que déploie le cinéaste. Qu’on en juge : dans ce biopic censé raconter une vie, il faut à peine dix minutes pour que le récit s’emballe à partir du premier meurtre. Dix minutes de plus, et c’est le beau duel dans le vent et la poussière. Expédiés l’enfance, le père trop rigoureux, l’histoire d’amour trop fade. Si Jane revient, c’est pour être tuée sans dramatisation excessive.

En revanche, Walsh soigne l’arrière-plan : l’après-guerre est évoquée sans lourdeur, mais son poids se fait sentir. De même les personnages truculents (ah ! Ce croque-mort tout droit sorti d’un épisode de Lucky Luke…) donnent-ils au film un aspect série B tout ce qu’il y a de plaisant. C’est que si le titre français semble tendre vers la tragédie, rien dans l’intrigue et surtout dans son traitement ne justifie pareille idée : au contraire, Hardin est plus victime d’une malchance ou de son entêtement, de la justice aveugle ou corrompue que d’un « fatum » sentencieux. D’ailleurs, Walsh va trop vite pour que ces questions se posent vraiment : ainsi de la course de chevaux, filmée sans lyrisme ni suspense. Seule compte l’énergie, et elle sature le métrage : peu de temps morts, de grandes explications : tout au plus le héros se défend-il de tuer sans provocation. Pour le reste, c’est la traque qui est privilégiée. Si des années se passent sans rien de notable, il suffit de quelques unes de journaux pour les résumer.

La structure en flash-back se fait vite oublier, et n’apporte qu’un cadre, authentique celui-là, celui des mémoires de Hardin, dans lesquelles Walsh taille à la hache, privilégiant toujours l’action ou le dialogue explicatif qui évite de longues séquences (voir la discussion sur la ferme). Il s’appuie également sur le charisme de Rock Hudson et de Julie Adams, tous deux impeccables, et à qui il offre des moments d’émotion (le mariage, le retour après la prison) d’autant plus beaux qu’ils sont rares.

Alors, un « petit » western ? Oui, sans conteste. Difficile de nier qu’il manque d’ambition et de grandeur. Mais il témoigne du professionnalisme des studios hollywoodiens, capables de soigner à tous les niveaux même une œuvre mineure, et du talent de Walsh, qui rend très attachante cette histoire ; en d’autres mains, elle aurait facilement pu devenir pompeuse ou mièvre.

Les suppléments :
Si François Guérif et Patrick Brion se rejoignent dans l’enthousiasme pour le film, ils sont moins d’accord sur le respect de la vérité historique. En revanche, leurs apports se complètent harmonieusement (9mn chacun). Outre la galerie photos, le DVD propose également un documentaire rapide et chapitré sur Raoul Walsh, écrit par Jean-Claude Missiaen en en 2009 ; c’est vraiment bref (16mn), parfois lapidaire dans les jugements, mais ce résumé d’une carrière, concentré sur les westerns, a le mérite des piqûres de rappel et donne envie de (re)voir les chefs-d’œuvre comme les réussites moindres.

L’image :
La définition n’est pas miraculeuse, mais la copie est propre, malgré de rares parasites et surtout, les couleurs conservent leur vivacité.

Le son :
Pas de VF. La VO est claire, les passages musicaux sans saturation. On est bien sûr loin des canons actuels, mais le confort d’écoute est largement satisfaisant.