Vengeance à l’aube - la critique + le test DVD

Encore une pépite à découvrir avec ce western sombre et maîtrisé.

L’argument : Brett Wade, joueur et fine gâchette, est blessé dans un règlement de comptes contre le clan Ferris , dans la diligence qui le conduit à Colorado Springs où il va se soigner, Brett s’arrête à Socorro, New Mexico, où il va essayer de changer de vie en aidant une jeune fille, Rannah Hayes, à sortir de sa vie de fille de saloon. Malheureusement il devra encore affronter ses vieux démons...

Notre avis : Vengeance à l’aube est l’un des sommets de la carrière inégale du très prolifique George Sherman ; porté sans doute par le très bon scénario de Zuckerman, il jette un regard neuf et sombre sur la fameuse bataille d’ OK Corral, même si lieux et personnages en sont renommés. S’il s’appuie sur des clichés tels que le tueur qui veut raccrocher, la fille de salle amoureuse ou la famille qui tient une ville, le scénario les transcende par une psychologie appuyée, creusant des personnages gagnés par le doute et la mélancolie. Les belles idées fourmillent : Wade célèbre ses propres funérailles ; homme blessé physiquement et moralement, il cherche une rédemption auprès de Rannah qui elle-même, semble prédestinée à la prostitution par son père : dans une scène saisissante, il la rejette en l’appelant Jézabel, rappel biblique qui la marque au fer rouge. Pareillement chaque personnage est dédoublé négativement : Wade par Rapp, tueur ivrogne, Rannah par Letty, c’est à dire ce qu’elle pourrait devenir en restant dans l’établissement. La vision pessimiste portée par le scénario est amplifiée par des dialogues volontiers littéraires, qui lui donnent une ampleur quasi-métaphysique avec, par exemple, la récurrence du « vide » auquel sont confrontés les héros.

Le film est construit en trois parties : la plus réussie est à notre sens celle qui se passe intégralement dans le casino. Sherman y développe une maîtrise consommée du découpage et du cadrage, en rendant le lieu étouffant par une série de plans qui mêlent les personnages et enferme l’action dans une série de regards. Tout le monde s’épie, se craint, se surveille en un ballet incessant d’autant plus réussi qu’il se passe dans un endroit surpeuplé. On cherchera en vain une facilité dans cette mise en scène sèche et dense : le cinéaste soigne aussi bien la scénographie que le choix des couleurs, avec une sorte de grâce inhabituelle chez lui.
Ce qui surprend le plus sans doute, c’est le traitement des gunfights, presque austères, voire elliptiques ; et le dernier, filmé en plongée, condense en un temps record ce règlement de comptes brutal. Le refus du spectaculaire va de pair avec la peinture de ces personnages abîmés par la vie, qui essaient d’échapper à leur condition. En ce sens, la fin optimiste est expédiée et ne dissipe pas le sentiment de profonde mélancolie qui imprègne l’ensemble de ce court western.

Les suppléments :

Outre la bande-annonce et la traditionnelle galerie photos de la collection, le DVD propose trois interventions : Yves Boisset s’intéresse aux acteurs et aux références (9mn) ; Bertrand Tavernier livre une analyse encyclopédique et enthousiaste (22mn) ; Patrick Brion enfin, replace le film dans son contexte avant de l’étudier avec précision (11mn).

L’image :

La copie est un peu terne avec quelques défauts de stabilité ; rien néanmoins de rédhibitoire.

Le son :

La seule piste en VO et Dolby Digital 2.0 Mono est un peu étriquée, mais reste correcte.