Les indomptés - la critique du film + le test DVD

Notre avis : Dans la première séquence, une diligence s’arrête et le conducteur montre une jolie petite ville figée (il est vrai que la toile peinte est très visible) ; une charmante bourgade, emplie de braves gens avec, en son centre, un médecin bienveillant et généreux. Un brave homme, vraiment, nanti d’une gentille fiancée. Et pourtant, dès avant la violence qui va bouleverser cette communauté, Sherman nous montre qu’Hannah manque d’enthousiasme à l’idée d’une vie trop paisible. Et même le jeu terne de Willard Parker, constamment gauche, joue en faveur de cette promesse d’ennui. Jamais le scénario n’est insistant, mais il montre la frustration de cette femme qui va préférer au bon docteur un homme que les circonstances -et la bonne société- condamnent au banditisme, et l’on ne peut que penser à un autre western de la même année, Duel au soleil, de King Vidor, certes plus flamboyant et plus racé, plus radical aussi.

Sherman, au début d’une longue carrière, excelle à filmer les scènes d’action : attaque de diligence, poursuites, saut à cheval, le duel final, tout cela est efficace et bien mené. Pourtant, ce que l’on retiendra de ce film inégal mais très intéressant, c’est la prolifération de détails (une main qui plonge dans un bocal, un regard perdu, etc.) mais surtout des séquences très réussies (la consultation qui devient bal, l’enterrement de la mère) et le cynisme du personnage royalement interprété par Edgar Buchanan, vieux matois dangereux occupé à lire la Bible : c’est lui qui, par le récit d’Absalon et par des paroles définitives qui prennent un sens ironique (« L’argent est la racine de tout mal », dit-il au moment où il détrousse le père d’Hannah) transfigure le récit et lui donne une dimension supplémentaire.

Certes, Les indomptés souffre de quelques conventions, à la fin en particulier ; certes, il manque d’ampleur et l’interprétation de seconds couteaux dépasse rarement la moyenne. Mais pour sa noirceur, comme quand le père renie sa fille, pour sa description d’une société américaine prompte à condamner, pour ses séquences d’action rondement emballées, ce western (pas assez) ambigu mérite largement d’être vu, surtout dans une copie aussi resplendissante.

Les suppléments :
Bertrand Tavernier parle affectueusement du réalisateur comme d’une énigme avant d’envisager différents aspects du film, s’attardant en particulier sur les acteurs et leurs personnages (23mn30). François Guérif s’attache davantage au métrage lui-même, analysant le scénario comme une tragédie biblique avec la finesse qu’on lui connaît (13mn). Et comme d’habitude, Patrick Brion revient sur les westerns de 1946 puis donne des informations sur les acteurs (9mn). Même si les trois entretiens sont passionnants, ils n’évitent pas les redites (Larry Parks et la chasse aux sorcières, la scène de l’enterrement, la carrière de Betty Garrett, …). Enfin, outre les bande-annonces qui précèdent le film, le DVD propose une galerie photos, suite d’affiches internationales.

L’image :
Vu l’âge du film, la restauration a fait des miracles, retrouvant les teintes si singulières du technicolor de cette époque ; la définition, la colorimétrie, sont inespérées.

Le son :
Les dialogues sont frais et limpides, comme l’omniprésente musique : la VO est préférable, mais les deux pistes Dolby Digital 2.0 mono sont soignées.