Le 26 décembre 2018
Dans la grande tradition italienne, cette farce ironique tire à vue sur les conventions sociales et les hypocrisies bourgeoises avec truculence.
- Réalisateur : Alberto Lattuada
- Acteurs : Ugo Tognazzi, Milena Vukotic, Angela Goodwin, Francesca Romana Coluzzi
- Genre : Comédie
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 1h40mn
- Reprise: 30 janvier 2019
- Titre original : Venga a prendere il caffe... da noi
- Date de sortie : 9 juillet 1971
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– Année de production : 1970
Résumé : Paronzini recherche un plan idéal pour contracter un mariage avantageux. Il le trouve grâce à trois vieilles filles, enrichies par l’héritage de leur père décédé. Invité à boire le café dans leur confortable villa, Paronzini épouse Fortunata, mais il est bientôt contraint de les satisfaire toutes les trois...
Notre avis : Paronzini est un sous-chef de service, ponctuel et rigide jusqu’à la caricature, à la recherche des trois C : « caresses, confort, chaleur ». Il entreprend donc la séduction méthodique des trois sœurs, riches orphelines, qui vont « de l’église à la maison et de la maison à l’église ». Il faut dire que Lattuada a pris soin de les montrer, ces sœurs, confites dans la dévotion au père disparu, emprisonnées dans une maison-musée pleine d’animaux empaillés ou de légumes dans des bocaux : tout y est momifié, stérile, alors que le désir les assaille, alors que le coq (parfaite métaphore du rôle que va jouer Paronzini) monte les poules, alors que les lectures et les gravures lascives invitent à la satisfaction des désirs. Leur frustration n’a pas grand-chose à voir avec les sentiments, Tarsilla se servant d’un pauvre bougre, reflet inversé de Paronzini, qui monte un stratagème complexe pour se faire épouser et finit ruiné : Paolino, l’amant en question, cumule les échecs parce qu’il part de trop bas, mais peut-être aussi parce qu’il est limpide même dans ses tromperies. Au contraire du protagoniste, opaque et d’apparence digne, il accepte la dissimulation (savoureuses séquences dans le couvent désaffecté), choisit la manigance minable (une lettre anonyme transparente), et passe son temps à jurer d’impuissance.
- Copyright Tamasa Distribution
Paronzini, lui, ne se cache pas : dans les promenades récurrentes qui ponctuent le film, il s’affiche au bras des sœurs au fur et à mesure de ses conquêtes, sous les propos gouailleurs d’hommes admiratifs. En entrant dans la maison, qu’il évalue consciencieusement, à sa manière froide, il bouleverse et révèle des tempéraments débordants : le sexe, bien sûr, mais aussi la nourriture et le vin, comme une célébration de la vie joyeuse. Il y a dans ces fêtes toute la vitalité du cinéma italien, roi de la démesure : c’est Tarsilla qui saute sur son lit, c’est Camilla qui glapit en se jetant dans les bras de Paronzini, c’est aussi la précieuse bouteille qu’on débouche en en renversant.
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Mais ce héros froid pendant la plupart du film est surtout une projection : il donne à chacune ce qu’elle souhaite (le mariage, le sexe brut et le sentiment), et chacune le voit à sa manière. Pourtant Lattuada a pris soin de nous le faire découvrir dans sa vulgarité (il se sert d’un cure-dents pour la bouche et les oreilles, il fait du bruit en buvant) et sa bêtise : tel le Homais de Flaubert, il s’exprime par sentences toutes faites (« la harpe : instrument sublime »). C’est une sorte de pantin qui, alors qu’il croit manipuler, tombe sous la coupe des trois femmes et se perd ; symboliquement, quand il fait sa demande en mariage, qui tient plus du contrat que de la déclaration enflammée, Lattuada le cadre alors qu’un collier de saucisses figure une corde autour de son cou.
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Venez donc prendre le café chez nous est autant une charge contre la bien-pensance qu’un regard cruel sur les hommes, bêtes et méprisables. Dans la meilleure tradition italienne, cela donne un film féroce, drôle, qui s’amuse de la morale comme des calculs mesquins. Ugo Tognazzi y est royal de sobriété, mais ses partenaires féminines, véritables mantes religieuses, ne sont pas en reste : les trois sœurs passent de la réserve à la conduite délurée avec un égal bonheur. Les amateurs de bon goût détourneront les yeux. Pour les autres, cette farce à la fin somptueusement ironique constituera un mets de choix, gras et savoureux.
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