Le 16 mai 2021
Un premier long métrage subtil, au carrefour du thriller et du document social, qui permet à Pierre Deladonchamps de trouver l’un de ses meilleurs rôles.
- Réalisateur : Peter Dourouztzis
- Acteurs : Pierre Deladonchamps, Ophélie Bau, Inas Chanti, Sébastien Houbani, Candide Sanchez
- Genre : Drame, Thriller
- Distributeur : Rezo Films
- Durée : 1h36mn
- Date de sortie : 9 juin 2021
- Festival : Festival de Cannes 2020
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Résumé : Djé débarque en ville sans un sou, avec pour seule arme son charme. Il saisit chaque opportunité pour travailler, aimer, dormir. Et tuer.
Critique : Ancien élève de l’ESRA Paris (diplômé mise en scène et scénario en 2002), Peter Dourountzis s’est engagé pendant douze ans au SAMU social. Il en a retiré une meilleure compréhension de la détresse humaine et du comportement des sans domicile fixe. Son passage à la réalisation s’est effectué avec trois courts métrages nourris de cette expérience, dont Errance (2014), primé par Unifrance et au Festival d’Amiens. Premier long métrage dont il est également le scénariste, Vaurien poursuit dans cette voie. La trame policière du récit est quant à elle inspirée des affaires Guy Georges et Mamadou Traoré, qui ont défrayé la chronique judiciaire et policière dans les années 90. Il serait pourtant réducteur d’assimiler Vaurien à un énième film à caractère naturaliste, fondé sur des faits réels. La précision avec laquelle le cinéaste décrit le quotidien de Djé (quête de mini-jobs, occupation de squats, menus larcins) est certes indéniable. Et l’on peut penser que le film servira de supports à des études sur la précarité, comme le furent Sans toit ni loi de Varda ou des œuvres de Ken Loach.
- © 1015 Productions. Tous droits réservés.
Mais Peter Dourountzis a surtout proposé une réflexion sur le jeu des apparences et le mécanisme par lequel des individus aux coupables intentions ne sont l’objet d’aucune méfiance de la part de leurs pairs. En dépit de son mode de vie marginal, Djé est plus ou moins accepté par les autres : il attire la bienveillance du contrôleur SNCF lorsqu’il déclare ne pas posséder de titre de transport, est hébergé sans peine par d’anciennes ou nouvelles connaissances, y compris des jeunes femmes. C’est que Djé joue à fond de ses stigmates de beau parleur charismatique et de quadragénaire blanc rassurant. Sur ce point, le réalisateur ne tombe pas dans le piège du film manichéen, ce que pourraient laisser penser certains de ses propos extraits du dossier de presse : « Un homme aussi violent, aussi horrible que Djé, passe totalement inaperçu, parce qu’il existe dans le quotidien une misogynie ordinaire, et une injustice sociale qui concerne les personnes racisées. Djé peut donc se planquer, uniquement parce qu’il possède les traits de ceux qui dominent. »
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Le film est plus subtil et nuancé, transcendant son matériau nourri de thématiques dans l’air du temps. Les dialogues ne sont jamais explicatifs, et le cinéaste manie à merveille l’art de l’ellipse et de la suggestion. Les scènes de violence sont à cet égard d’une rigueur exemplaire, par l’usage du hors champ. « Je pense que le spectateur s’attend à découvrir un film de tueur en série, à comment un homme viole et assassine des femmes. Mais je les emmène ailleurs. Je supprime la violence explicite, je lui fais ressentir l’angoisse des victimes, et je lui propose un tueur qui n’entre pas tout à fait dans les codes de virilité. J’avais envie de prendre ce risque-là », précise le cinéaste. Le métrage est bien servi par Pierre Deladonchamps, au parcours sans failles depuis L’homme du lac, et dont le personnage est dans le prolongement de celui qu’il campait dans Les chatouilles. Il a obtenu pour ce dernier rôle le prix du meilleur acteur au Festival de Vilnius. À ses côtés, Ophélie Bau est étonnante et confirme les espoirs placés en elle depuis Mektoub My Love : Canto Uno.
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