Le 20 avril 2016
- Scénariste : Fred Campoy>
- Dessinateurs : Fred Campoy, Mathieu Blanchot
- Coloriste : Mathieu Blanchot
- Genre : Adaptation
- Editeur : Grand Angle
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 1er février 2016
- Durée : 1
Une vie Avec Alexandra David-Néel raconte la rencontre entre une vieille dame, Alexandra et la jeune Marie-Madeleine. Rencontre sautant d’un passé Tibétain au présent en France car cette personne âgée et tyrannique se révèle n’être autre que la grande exploratrice Alexandra David-Néel !
Résumé :
Les hautes montagnes du Tibet, dans les années 1910. Alexandra David-Néel va tenter contre vents et marées de réaliser l’impossible, à savoir pénétrer dans la ville sainte de Lhassa. Le sud de la France en 1959, Alexandra David-Néel a maintenant plus de 90 ans. Ces dernières années nous sont contées par Marie-Madeleine, la jeune femme que l’exploratrice va engager pour l’aider dans son quotidien. Marie-Madeleine va pénétrer dans l’intimité d’une légende vivante et ainsi découvrir que même les légendes peuvent cacher... un caractère de cochon ! Une curieuse relation, faite de rires, de reproches, de colères, de respect va naître entre ces deux femmes que tout semble opposer.
Notre avis :
Une rencontre improbable entre deux femmes bien éloignées l’une de l’autre. Devant le monument que représente Alexandra David-Néel, Marie-Madeleine semble faire pâle figure. Et elle va devoir trouver au fond d’elle-même la force non pas de s’imposer, mais juste de montrer qui elle est pour ne pas se faire dévorer par le monstre qu’elle a en face d’elle.
Situation paradoxale car ce même monstre redevient une vielle dame fragile à certains moments. Une vieille dame fragile et surtout dépendante...
C’est sans doute là la plus grande douleur de cette incroyable exploratrice qui a réalisé l’impossible, de cette volonté aiguisée comme un fer rouge : Ne plus pouvoir avancer seule.
La plus grande douleur ? Pas si sûre. Au fur et à mesure de ce premier tome, d’autres souffrances vont nous apparaître, plus marquantes, plus profondes.
Au premier abord, cette vieille trop exigeante peut sembler bien excentrique mais plus on avance dans la lecture, plus on se rend compte des failles et surtout des raisons qui motivent cette femme. Les choses s’éclairent par la découverte d’éléments épars mais elles s’éclairent également par cette plongée dans le passé.
En effet, alors que Marie-Madeleine doit apprendre à vivre avec Alexandra, nous faisons tout au long des six chapitres formant ce premier volume des aller-retours entre présent et passé. Et pour nous, lecteur du vingt-et-unième siècle, nous pourrions dire des voyages entre passé et passé. Car la rencontre entre Marie-Madeleine et Alexandra se déroule en 1959 et va durer un certain temps. Le périple montagnard de l’exploratrice se déroule sur les années 1910.
Autre fort contraste entre ces deux période éloignées, les paroles. Autant Marie-Madeleine partage avec nous son vécu, ses sensations, ses angoisses en cette année 59, autant les images prennent une place prédominante sur les dialogues dans le passé. Seule parfois la voix off d’Alexandra nous relate les faits. Mais cette voix off n’est pas vraiment celle d’Alexandra, c’est plutôt celle de Marie-Madeleine qui nous retranscrit les mots d’Alexandra David-Néel.
Ce premier opus réussit à vous tenir en haleine non pas par l’intrigue, car nous connaissons assez rapidement la fin des histoires qui nous sont racontées, mais par deux quotidiens. Tout d’abord, le quotidien parfois banal d’une vieille femme qui sent la mort approcher avec à ses côtés son assistante qui découvre, comme nous, un monde inconnu et le quotidien incroyable d’une exploratrice dans l’Himalaya, d’une femme initiée par les grands représentants du bouddhisme, un quotidien qui flirte avec l’extraordinaire à chaque détour de montagne !
Seul petit bémol, selon nous, à la qualité de cette adaptation, la fin de ce premier tome qui nous présente une sorte de cliffhanger dont les enjeux, jouant plus sur la narration, dont nous connaissons l’issue, ne nous semblent guère fonctionner.
Certes, il fallait bien couper quelque part car cette belle adaptation va durer deux tomes – et on a hâte de lire la suite – mais nous n’avons pas bien saisi l’intérêt de placer la coupure à cet endroit.
Heureusement, la fin du premier tome enchaîne sur un magnifique cahier de six pages illustré de photographies anciennes nous parlant de cette fabuleuse exploratrice.
Ces photos nous font réaliser l’incroyable travail d’adaptation graphique qui a également eu lieu, la reconstitution de deux passés, de deux époques, aussi éloignées géographiquement que spatialement.
Fred Campoy, qui a adapté le livre de Marie-Madeleine Peyronnet « Dix ans avec Alexandra David-Néel » assure aussi le dessin avec Mathieu Blanchot.
Ils adoptent un style réaliste complété par des traits et hachures qui évitent de trop marquer ce choix. Cette patte graphique est très agréable à suivre que l’on soit en 1959 ou en 1916.
Les décors imposants se renforcent même par leur contraste. Les montagnes hallucinantes qui mangent l’espace et remplissent la vision, le repaire de Samten Dzong, dont le labyrinthe intérieur semble écraser, compresser l’espace et couper ses habitants du monde extérieur.
Les couleurs permettent de marquer l’époque. Ainsi, on sait tout de suite quand on se trouve. La couleur pour le passé lointain et le noir et blanc pour l’année 1959.
Choix surprenant car il aurait pu être utilisé dans l’autre sens : le noir et blanc pour le passé ancien, comme on le voit souvent. Mais ce refus du classicisme prend tout son sens. Comment se priver des couleurs des montagnes, des paysages traversé par l’exploratrice ? Quant au noir et blanc, il renforce l’impression étrange qui se crée dans cette relation, qui appartient déjà au passé par la narration et aussi par cette imposante demeure qui semble clouer les deux protagonistes dans un no man’s time. Un choix judicieux !
La composition de ces six premiers chapitres repose sur des planches de une à quatre bandes de une à quatre cases. Notons que dans la forme même des cases, il y a une différence entre présent et passé. En effet, les cases de la période exploratrice sont sans contour pourvues d’angles arrondis tandis que les cases de l’an 59 présentent contours et angles bien marqués. En effet, l’absence de contour renvoie à un passé raconté, un passé qui s’est transmis par la mémoire donc, loin d’être figé. Contrairement à la rencontre de 59 présentée comme si elle était vécue par Marie-Madeleine. Même si le choix de la narration des encadrés nous rappellent que c’est avec le recul qu’elle nous livre tout cela.
Dans tous les cas, les cases sont spacieuses et nous permettent de prendre la pleine mesure des dessins. Ce qui donne une lecture très agréable. Souvent, le passé nous offre des bandes d’une case, rappelant un peu les rouleaux bouddhiques que Alexandra a dû souvent manipuler dans sa très longue vie.
Le cadrage joue beaucoup sur les plans larges dans l’Himalaya et les gros plans dans le présent. Ces plans permettent aussi d’insister sur certain point, sans trop forcer. Notons le réveil nocturne de Marie-Madeleine, tout en silence, où tout passe par les yeux, jusqu’à ce qu’elle sorte de la maison pour aller se réfugier dans le jardin. Mais dans les deux époques, les dessinateurs utilisent aussi pleinement le zoom. Les cases s’enchaînent, se resserrant de plus en plus sur le sujet ou s’en éloignant de plus en plus.
Cette mise en scène fort agréable permet aussi de choisir des plans savamment composés permettant de passer en un clin d’œil de la France au Tibet.
Une vie avec Alexandra David-Néel est un récit réussi. Vous découvrirez avec plaisir les multiples facettes de ces deux femmes, l’évolution de leur rencontre. C’est un bel hommage à la grande voyageuse initiée aux mystères Bouddhiques, à la première femme occidentale à avoir pu entrer dans Lhassa, à tout ce qui tient aujourd’hui dans le nom d’Alexandra David-Néel. Mais au-delà de cela, c’est aussi l’histoire d’une femme, plus proche de nous, Marie-Madeleine Peyronnet, qui doit apprendre à vivre avec un mythe incarné.
Fred Campoy nous offre une belle porte d’entrée dans la vie de Marie-Madeleine Peyronnet, qui elle-même nous a offert une belle fenêtre sur la vie d’Alexandra David-Néel.
96 pages - 16,90€
Zéda au Tibet en compagnie d’Alexandra...
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