Le 11 novembre 2015
Loin de se complaire dans le politiquement correct, Robert Guédiguian reste fidèle à sa sensibilité d’auteur tout en donnant le meilleur de lui-même.
- Réalisateur : Robert Guédiguian
- Acteurs : Ariane Ascaride, Robinson Stévenin, Simon Abkarian, Grégoire Leprince-Ringuet, Syrus Shahidi
- Genre : Drame
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 2h14mn
- Date de sortie : 11 novembre 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Résumé : Berlin 1921. Talaat Pacha, principal responsable du génocide arménien, est exécuté dans la rue par Soghomon Thelirian (Robinson Stévenin) dont la famille a été entièrement exterminée. Lors de son procès, il témoigne du premier génocide du XXe siècle tant et si bien que le jury populaire l’acquitte. Soixante ans plus tard, Aram (Syrus Shahidi), jeune marseillais d’origine arménienne, fait sauter à Paris la voiture de l’ambassadeur de Turquie. Un jeune cycliste qui passait là par hasard, Gilles Tessier (Grégoire Leprince-Ringuet), est gravement blessé. Les parents d’Aram, Hovannnès (Simon Abkarian) et Manouch (Ariane Ascaride), un couple d’épiciers, en sont bouleversés, et particulièrement la mère, qui cherche à entrer en contact à la fois avec son fils et Gilles...
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Notre avis : C’est la seconde fois que Robert Guédiguian, d’origine arménienne, aborde ce « grand » sujet. Le Voyage en Arménie (2006) portait les prémices d’une réflexion que l’auteur traite ici avec sobriété, sans négliger pour autant la fibre romanesque, en évitant les excès de pathos et de complaisance dans l’horreur que même un Atom Egoyan n’avait su éviter dans Ararat (2002). Loin de vouloir se livrer à une reconstitution du génocide arménien, Guédiguian préfère évoquer le souvenir intergénérationnel d’un traumatisme initial, d’autant plus fort que les autorités turques ont toujours joué la carte du déni. Le plus saisissant du récit réside ainsi dans le contraste et le parallèle entre le prologue allemand (en noir et blanc) et la suite de l’intrigue, se situant dans les années 1980, et qui relate la montée d’un mouvement terroriste arménien qui voulait faire prendre conscience d’un drame historique. La structure en puzzle narratif s’avère très vite fascinante, et Guédiguian adapte avec habileté le roman d’Antonio Gurriaran, en mettant en avant plusieurs personnages à la fois antagonistes et complémentaires, réunis ou éloignés tant aux niveaux idéologique et affectif que sur le plan spatial. Si la grand-mère, violentée dans sa jeunesse par des combattants turcs, est opposée à son gendre, qui prône l’oubli et la prescription, Aram est le symbole d’une jeunesse tentée par le radicalisme au nom d’une justice bafouée.
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Le jeune homme sera toutefois horrifié par la réalité du terrorisme, contrairement à Anahit, sa maîtresse et camarade de combat, davantage sous le joug du cerveau des attentats. On peut penser que Guédiguian s’est davantage identifié au personnage de Manouch, la mère courage révoltée par le passé mais qui reste fidèle à ses valeurs humanistes. Les rapports entre Manouch et Gilles constituent d’ailleurs les moments les plus réussis de l’œuvre. Et ce qui aurait pu paraître improbable et lacrymal avec un autre cinéaste prend ici une tournure bouleversante. Tourné à Marseille, à Beyrouth et en Arménie (lieu de l’épilogue), Une histoire de fou est sans doute le projet le plus personnel de Guédiguian, qui avoue que son engagement communiste passé l’avait tenu quelque peu à l’écart d’un combat communautariste de travail de mémoire, jugé moins prioritaire que la lutte des classes. Ce film est donc celui d’une remédiation : « Car je suis en quelque sorte l’obligé de tous les Arméniens du monde, puisque je m’appelle Guédiguian et que je suis, que je le veuille ou non, ambassadeur de l’Arménie et de cette cause », a déclaré le cinéaste. D’aucuns préféreront le Guédiguian conteur des intrigues sociales et sentimentales contemporaines, plus léger et décalé, qui avait ciselé le merveilleux Marius et Jeannette ou Les Neiges du Kilimandjaro. Mais force est de reconnaître que le réalisateur ne renonce pas à ses ambitions. Loin de se complaire dans le politiquement correct, il reste fidèle à sa sensibilité d’auteur tout en donnant le meilleur de lui-même, et son inspiration s’avère vivifiée par ce matériau historique qui le touche douloureusement.
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