Le 1er mars 2024
Les frères Taviani livrent le portrait d’une Italie en pleine Seconde Guerre mondiale à travers les yeux d’un jeune héros romantique et fougueux. Une grande œuvre de cinéma, âpre, décalée et passionnante.
- Réalisateur : Paolo Taviani
- Acteurs : Luca Marinelli, Jacopo Olmo Antinori, Franscesca Agostini, Lorenzo Richelmy, Valentina Bellè
- Genre : Drame, Romance, Film de guerre
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 6 juin 2018
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Résumé : Été 1943, Piémont. Milton aime Fulvia qui joue avec son amour : elle aime surtout la profondeur de sa pensée et les lettres qu’il lui écrit. Un an plus tard, Milton est entré dans la Résistance et se bat aux côtés d’autres partisans. Au détour d’une conversation, il apprend que Fulvia aimait en secret son ami Giorgio, partisan lui aussi. Milton se lance alors à la recherche de Giorgio, dans les collines des Langhes enveloppées de brouillard… Mais Giorgio vient d’être arrêté par les fascistes.
Critique : C’est tout un honneur pour un spectateur que d‘être convié à ce qui semble être le dernier film des frères Taviani réunis. En effet, le 18 avril dernier, Vittorio décédait, laissant avec son frère une œuvre dense, parfois inégale, marquée par un regard aiguisé sur l’Italie. Leur dernier opus parle de mort justement. Mais une mort combative, celle qui oppose les Cafards, sous-entendus les traitres à la Nation en pleine Seconde Guerre mondiale, et les résistants, de jeunes héros idéalistes, qui connaissent leurs villages et leurs contrées comme leur poche. Mais si la guerre est le thème central du film, les réalisateurs préfèrent l’évocation de la lutte, plutôt que de montrer une fois de plus sur un écran de cinéma, des batailles où les hommes s’effondrent comme des pions, sans aucune humanité. Car derrière cette guerre, se cache surtout le récit d’un amour mystérieux entre Milton, Fulvia, et Giorgio, le meilleur ami, séduisant, récemment enlevé par les policiers.
- Copyright Pyramide Distribution
La poésie est partout dans ce récit. D’abord, dans la façon de regarder la guerre. Au lieu de charniers horrifiques, les réalisateurs enveloppent les décors d’un brouillard envoûtant qui suggère les fantômes de la mort. Un même espace peut soudain se transformer sous l’effet de la lumière en la résurgence d’un souvenir heureux du passé, puis, revenir aux brutalités du temps présent, celles de la guerre des hommes et des orgueils. La mise en scène choisit résolument la pudeur et le dépouillement pour raconter les décombres d’une Europe ravagée par le fascisme, les résistances malheureuses, et les pertes de civils. Cette presque nudité des décors ne cesse d’interroger. Comme si le sujet central du film était moins de raconter la guerre que le combat intime de ce jeune étudiant, Milton, qui va tenter de reconstituer la relation qui unit Fulvia, dont il est amoureux, à son meilleur ami, Giorgio. Ce regard décalé sur la guerre peut être interprété comme une forme de provocation par les deux réalisateurs. En effet, le spectateur se pose des questions, les interrogations intimes de l’étudiant n’étant pas totalement désinvoltes, alors que s’exécute, sous ses pieds, la pire des boucheries humaines. Son irresponsable traversée de la campagne italienne à la recherche de son ami enlevé, ne procède d’aucune conscience politique. Le résistant disparaît au profit du rêveur romantique.
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Car, on peut le dire, Una questione privata s’inscrit dans la pure ligne des œuvres romantiques. La vie n’a d’autre raison d’être vécue que les émois amoureux qu’elle génère, en dépit des guerres et des malheurs qui étranglent le monde. Le point de vue romanesque est appuyé par une photographie superbe de l’Italie où la montagne majestueuse côtoie des cours d’eau timides, et des ruines de maisons.
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Véritablement, les réalisateurs adoptent un point de vue décalé sur une guerre, à la limite même d’un mauvais goût profondément réfléchi. Et pourtant, le ridicule n’emporte jamais le récit. On s’agace contre ce Milton qui pourrait faire faillir son projet de résistance et mettre en danger ses camarades pour une histoire d’amour, a priori sans importance. A moins que ce récit amoureux ne soit l’opportunité pour une identité fragile qui ne parvient pas à discerner, de Giorgio ou de Fulvia, de qui il est véritablement amoureux.
En l’état, le film est assurément une grande œuvre de cinéma, âpre, décalée et passionnante.
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